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dicterait, au Bois de Boulogne, un arbitre des élégances cavalières, apte à les modifier, juste comme il convient, pour les nécessités du climat tropical.

M. Dupuis, surnommé Yacoubapar les indigènes, a la mine d’un professeur barbu, à lunettes. Père blanc jadis, aumônier de la troupe, dit-on, il connut la difficulté d’observer les vœux au cours d’une vie agitée, guerrière, pleine d’aventures et de hasards. Loyalement il se démit pour attacher, à ses manches de khaki, le bracelet de velours où brille un feuillage d’argent, insigne de nos agens dévoués aux allaires indigènes. Travailleur admirable, ce fils de notre Château-Thierry a recueilli les légendes et les traditions de toutes les races qui se rencontrent sur les marchés de Tombouctou, le grand, Yobou-Ber, si riche en trésors de la Méditerranée, en sel, en étoiles du Sahara et en marchandises soudanaises, le petit, Yobou-Keïney, tout plein de volailles, de légumes, d’œufs, de viandes flambant sur les branches sèches, de laitières camardes accroupies, et montrant leur liquide mousseux, en de larges calebasses, où nagent des coquilles de beurre pêchées fort proprement à l’aide d’une sébile. Les Maures regardent cela, tout en souriant de leur denture proéminente à la manière anglaise, parmi ces maraîchères, tripières et fruitières qui fument leurs pipes de bois noir.

Le palais du colonel ressemble à tous ceux que les Français élevèrent en Afrique occidentale. Il a de larges escaliers en banco, des galeries autour des appartemens spacieux, une table d’état-major noblement servie, élégamment parée, fleurie, grâce à l’art de Mme Desclaux, la charmante et vaillante femme du capitaine-adjoint.

Veut-on savoir le menu du 10 novembre 1912 ?


HORS-D’OEUVRE DE TAOUDENI
OMELETTE AUX TOMATES DE TOMBOUCTOU
FILET DE BOEUF OUALATA
MESCHOUI TENGUERIGUIF
PURÉE DE PATATES TOUAREG
GATEAU DE RIZ DE DAOUNA
DESSERTS DES MARES.

Donc, au cœur de l’Afrique, et dans les sables chauds du désert, là, quelques Français se réunissent devant un déjeuner