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de l’ethnographe, du colonial, étudiant les méthodes anglaises d’administration. Il a touché, en les voyant à fond, Saigon et Singapour. A la Côte d’Ivoire, il a vécu dans la forêt, parmi les peuplades les plus sauvages. Capitaine, il a dû soudain partir au secours de son lieutenant assiégé fort loin. Dans la nuit même, ce chef a réuni les porteurs de la colonne, de son bagage et de ses munitions, en quelques heures. Il a marché. Il a vaincu. Il a sauvé. De retour, il a soigné, tout un mois, le médecin de sa compagnie, et prolongé cette vie, grâce à de la science acquise, en attendant l’aide de l’autre docteur retardée par la distance, par un voyage à cheval de plusieurs semaines. Aujourd’hui, le capitaine Thévenin a laissé les trois galons d’or pour l’administrative ramille d’argent. Il collabore au gouvernement général. Il crée les archives et l’histoire de l’Afrique occidentale. Il guide, avec un savoir infaillible, le visiteur de notre Afrique, sans omettre d’examiner, au passage, les postes militaires, les tribunaux indigènes, l’esprit des villageois, les travaux de ses collègues, les résultats de l’agriculture et de l’élevage, les possibilités de la navigation fluviale, les réclamations des fonctionnaires, des officiers, des laptots mécaniciens, des tirailleurs Bambaras, des chameliers Berabichs.

Imaginez ce que peut être un échange de propos entre de telles intelligences, de tels caractères, de telles mémoires, entre l’érudition d’un observateur assidu comme M. Dupuis-Yacouba et les connaissances d’un voyageur diplomate comme M. Bonnel de Mézières. Vous écouterez le commandant Joly et l’administrateur Vadier multiplier leurs surprenantes révélations sur la psychologie des peuples qu’ils dirigent, qu’ils organisent. Celui-ci vous dira ses chasses à l’éléphant, à l’hippopotame, et quel sergent tua, dans un poste du cercle de Gao, en une seule année, vingt-deux lions avant d’être écharpé par la furie du vingt-troisième qui, blessé profondément, agonisa sur la victime. M. Bonnel de Mézières vous expliquera comment on force l’autruche à courre, dans les environs de Oualata. Ces messieurs discuteront joyeusement aussi sur la question de savoir quels sont les plus beaux ballets tam-tam. Ceux de la Guinée ou du Soudan ? Et pourquoi notre opéra ne peut-il rien donner qui vaille en comparaison ? Là-dessus, on parlera des ballets russes, de Chaliapine et de Moussorgski, de Debussy et de Beethoven, des écrivains-voyageurs Loti, Chevrillon, Louis