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il en est un qui est particulièrement important pour l’histoire de la science : c’est que Poincaré fut en réalité le véritable initiateur de ces recherches sur la radio-activité, qui devaient immortaliser Becquerel et Curie et révolutionner toutes nos notions. En effet Poincaré avait eu, par une sorte d’éclair de génie, l’intuition de l’existence de cette fabuleuse propriété des corps : la radio-activité, et c’est à la suite de ses suggestions et sur ses conseils que Becquerel entreprit ses mémorables expériences.


Cette notice sur Henri Poincaré, — dont il faudrait tout retenir, car elle est de ces choses gonflées de pensée dont l’analyse est toujours une mutilation, — cette notice complète d’émouvante façon la série d’éloges et de discours que les admirateurs de M. Darboux ont récemment, à l’occasion de son jubilé, réunis pieusement en un volume. Volume précieux et réconfortant à l’heure où tant de creuses fadaises font gémir les presses d’imprimerie, volume riche de substance où l’historien, le savant, le psychologue, l’amant fervent du simple et beau langage, trouveront à glaner, et qui mêle subtilement en un même bouquet toutes les fleurs trop souvent disjointes que peuvent produire l’esprit géométrique et l’esprit de finesse. Mais Pascal lui-même ne fut-il pas la preuve la plus fameuse que ces deux sortes d’esprits ne sont point toujours séparés ?

C’est un art singulièrement délicat que celui de l’Éloge académique. À l’Académie française, comme chacun sait, tout nouvel élu fait l’éloge de son prédécesseur. Rien de pareil à l’Académie des Sciences. On n’y connaît point la solennité éloquente et si parisienne de la « réception. » Le nouvel élu se contente, sur l’invitation du président, de s’aller modestement asseoir sur un de ces sièges qu’on a appelés, je ne sais pourquoi, des fauteuils. Pourtant, depuis que Fontenelle en a créé la tradition, il est d’usage que le secrétaire perpétuel de l’Académie prononce à quelque séance annuelle l’éloge de l’un des disparus. Tous ceux-ci n’ont point cet honneur, ils sont trop, hélas ! chaque année pour que l’éloquence d’un seul homme y puisse suffire ; mais du moins est-on assuré que, par la sélection qui forcément s’impose à lui, seuls les savans véritablement hors de pair obtiennent l’éloge du secrétaire perpétuel. Après Fontenelle qui s’acquitta avec un esprit inimitable de cette fonction, et dans ce style précieux qui semble tout poudré de riz comme un marquis du XVIIIe siècle ; après d’Alembert, dont la gravité plus austère ne suffisait