Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveau grièvement blessé, mais, soutenu par deux chasseurs, il put demeurer à son poste jusqu’à la fin.

Sur les mêmes champs de guerre combattaient, dans les rangs ennemis ou dans les nôtres, nombre d’officiers destinés à jouer eux aussi un rôle dans la campagne d’Amérique : sorte de répétition générale du grand drame futur. A la seconde bataille de Minden, en 1759, où le père de La Fayette fut tué et où Rochambeau couvrit la retraite, lord Cornwallis apprenait son métier dans l’armée anglaise, et avec lui, mais moins brillamment, lord George Germain, futur secrétaire des Colonies et organisateur malheureux de la défense britannique. A Johannisberg dans la même guerre, Clinton, qui devait commander en chef à New York, était blessé ; tandis que çà et là se distinguaient comme officiers de notre armée Bougainville, de retour de Ticonderoga, et qui n’était pas encore marin, Chastellux, déjà colonel et pas encore académicien, La Luzerne, pas encore diplomate et qui allait être le second ministre de France aux Etats-Unis où son nom n’est pas oublié.

Très jeune encore, Rochambeau avait contracté un de ces mariages, si nombreux au XVIIIe siècle, comme dans tous les siècles, dont les mémoires et chroniques ne disent rien, parce qu’ils furent ce qu’ils devaient être, des mariages heureux. Il épousa en 1749, Mlle Telles d’Acosta, de qui il écrivait bien des années après : « Elle a fait mon bonheur toute ma vie, et j’espère de mon côté avoir fait le sien par la plus tendre amitié qui n’a jamais varié un instant pendant près de soixante ans. » Leur fils, dès sa jeunesse compagnon d’armes du général, officier à quatorze ans, et qui allait l’accompagner en Amérique, devait mourir, général lui-même, à Leipzig en 1813, tué à la « bataille des Nations. »


II

Instruit à Versailles de ce qui était attendu de lui, Rochambeau s’empressa d’oublier son « rhumatisme inflammatoire, » et commença ses préparatifs, réunissant des informations, causant avec ceux qui connaissaient l’Amérique, notant dans ses grands registres vêtus de parchemin vert, et qui furent de l’expédition, les principaux renseignemens ainsi obtenus, s’adressant à lui-même une foule de recommandations pratiques sur ce