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M. CHAULES BEAUQUIER. — C’est la vraie solution.

M. MAURICE BARRÈS. —… et sur des autels improvisés. Et, je fous le prédis, une immense jeunesse l’y suivrait, indignée de notre brutalité et de notre ingratitude. (Applaudissemens au centre et à droite.) Un opprobre éternel tomberait sur cette Assemblée si elle laissait s’écrouler les plus vieux monumens de notre vie spirituelle. J’ai la certitude que les nouvelles générations nous mépriseraient un jour, si elles dataient de notre passage l’écroulement des vénérables églises de France. (Vifs applaudissemens à droite et au centre. — L’orateur, en retournant à son banc, reçoit les félicitations de ses amis.)


« Vous rétablissez le budget des cultes ! » m’avait crié le rapporteur, un radical-socialiste, M. Félix Chautemps, et j’entendais sa phrase courir sur les bancs radicaux. Rien de plus faux qu’un tel reproche, car je ne faisais que réclamer l’exécution d’une promesse, vingt fois répétée par le gouvernement au long des débats sur la Séparation, d’inscrire au budget un crédit pour les réparations des églises. Mais qu’importe la vérité ! « Barrès veut rétablir le budget des cultes. Il veut refaire un Concordat ! » C’est le mot habile, l’invention aisée et funeste, M. Dumesnil, représentant d’un des pays de France les plus ingrats envers leurs églises, se chargea de la développer. Il s’efforça de fournir aux indécis, aux poltrons, un motif légitime de me trahir ou de s’abstenir. Dans ces miasmes, Marcel Sembat, demandant la parole, fit l’effet d’un coup de vent salubre.

Quel homme d’esprit, ce Sembat ! C’est le contraire d’un cuistre, et il possède un don pédagogique de premier ordre. A la tribune, il s’installe en toute simplicité, familier, explicatif, indulgent à la bêtise, établissant avec ses collègues, qu’il interpelle sans les traiter d’honorable ni même de Monsieur, une espèce de dialogue où il fait, d’une voix formidable, les demandes et les réponses, et qui amuse, retient les esprits, débrouille tous les écheveaux… A la Chambre, comme au théâtre, il y a des emplois que les grands sujets se partagent. M. Aynard tenait le rôle d’un gros bourgeois du vieux répertoire, qui ne connaît que le bon sens et qui ne s’en est pas si mal trouvé ; Jules Roche, c’est un répétiteur que ne lassera pas la bêtise de ses élèves et qui prétend faire entrer les matières de l’examen dans la cervelle des pires cancres ; Briand, c’est un