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homme de bien qui s’est juré de nous éclairer sur nos véritables intérêts ; Delahaye, un vieux chasseur, trop connu des perdreaux qui ne le laissent plus approcher ; Jaurès, un orchestre complet, toujours prêt à nous prodiguer les soli et les ensembles, qui enchanterait les mélomanes, si quelques-uns, à certains jours, ne se plaignaient que le capelmeister remue trop, se congestionne, leur donne le mal de mer et les empêche, avec ses gesticuIations de voir la musique. Augagneur joue les trappeurs, les émigrans. les Robinsons suisses. Avec ses deux larges mains, on le voit défrichant la forêt vierge, dépeçant les hippopotames, et aussi, la matraque au poing, surveillant le travail des esclaves. Sembat, lui, c’est l’homme instruit, le Parisien qui a rencontré une bande de provinciaux à l’Exposition universelle et qui les guide, pour rien, pour le plaisir de rendre service. Il a trouvé une baguette de démonstration et aujourd’hui il explique le tableau : Barrès sur le parvis défendant les églises de villages.

— Je pense, dit-il, qu’il y a deux choses qu’on ne peut pas refuser à Maurice Barrès et qu’il faut lui accorder. Il faut d’abord lui accorder que, depuis la Séparation, il s’est produit certaines disparitions et certains écroulemens d’églises qui ont été pour la nation entière une perte ; et en second lieu, il faut lui accorder qu’on s’est servi de la liberté que la loi laissait aux communes pour faire de véritables niches…

M. Aristide Briand, garde des Sceaux et ministre de la Justice, interrompt de son banc pour dire :

— C’est cela.

Et Sembat continuant :

— La loi de Séparation n’est pas faite pour permettre aux gens de se jouer des niches les uns aux autres. (Applaudissemens à gauche et à l’extrême gauche.) Maurice Barrès a parfaitement raison de vouloir faire cesser ces petites taquineries de village. (Très bien ! très bien ! ) Voilà, je crois, ce qu’il faut lui accorder.

Et avec l’assentiment quasi de tous, Sembat se déclare prêt à me rejoindre sur la place, devant l’église, à la condition qu’on ne l’oblige pas d’entrer dedans.

— Je ne suis pas, dit-il, comme Beauquier qui se tourne vers Dieu et le somme de faire un miracle.

À ce moment, pour ses péchés, M. Beauquier crut devoir interrompre !