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sont-elles sérieuses ? L’étonnement de M. Cochery a été grand lorsqu’il les a examinées de près. Elles n’étaient toutes, ou peu s’en faut, que des ajournemens de dépenses, un report partiel au budget de 1915 de dépenses qui étaient exigibles en 1914. Est-ce une économie cela ? Non, certes : c’est un simple enjambement financier d’une année sur une autre. Pour alléger le présent, c’est aggraver l’avenir. Telles sont la plupart des prétendues économies de M. Caillaux. D’autres ne sont pas moins ingénieuses. M. Caillaux décide, par exemple, que le réseau de l’État rapportera en 1914 à peu près un million de plus qu’on ne l’avait prévu. Si c’est là une économie, les économies sont vraiment faciles à faire et il n’est pas nécessaire d’y appliquer ce qu’on appelle avec admiration la science financière de M. Caillaux. Veut-on maintenant ce qu’il est permis d’appeler un « comble » et qui figurerait avec honneur dans une comédie du Palais-Royal : 400 et quelques mille francs sont « économisés » sur les services pénitentiaires. Et comment ? Les gardiens de prison seront privés du repos hebdomadaire : la loi leur en assurait le bénéfice, mais la mesure est ajournée. Nous plaignons les gardiens de prison : ils seront eux-mêmes les prisonniers de l’équilibre budgétaire. Le Temps a qualifié de mystification la lettre officielle par laquelle M. le ministre des Finances a fait connaître à M. le président de la Commission du budget la liste de ses économies. A-t-il eu tort ? Nous laissons à nos lecteurs le soin d’en juger.

La nouvelle session s’annonce donc comme devant être difficile, confuse, laborieuse, agitée. Les discussions financières y tiendront la plus grande place, mais quand même elles l’occuperaient toute, il semble impossible que le budget soit voté avant l’expiration des pouvoirs de la Chambre : pour la première fois, on ira aux élections sans budget. Au surplus, c’est peut-être le seul moyen de dissimuler au pays le surcroît de charges qu’une politique de dépenses folles doit inévitablement lui imposer. On s’efforcera de ne lui en avouer.qu’une partie, celle qui incombera à ce qu’on appelle la fortune acquise. Il entre dans la politique du gouvernement, — et c’est contre cela que M. Ribot s’est élevé avec tant d’énergie, — de frapper seulement une classe sociale et d’exciter contre elle les passions envieuses et jalouses qui fermentent si aisément dans une démocratie : politique purement démagogique dont nous avons déjà relevé dans le passif quelques symptômes, mais à laquelle le ministère actuel a donné, en peu de jours, une accélération redoutable. Ces discussions mettront en cause la loi militaire : on sait que les radicaux et les socialistes