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plus sonores pour moi que les statues antiques ou modernes ! Cela me parle nettement, cela saisit dans mon être, tout aisément, les cordes personnelles et profondes. Ici, l’art n’est pas une formule que je sais devoir admirer, et dont j’espère toujours qu’il va m’augmenter, m’ennoblir ; ici le choc est direct, je me reconnais dans ces pierres et je suis soulevé par elles. Ici je me trouve dans la plus belle de nos maisons de famille.

Ceux qui n’aiment pas nos églises, où vont-ils ? Au Parthénon ? Il était bien vide quand j’y suis monté, et moi bien désorienté. Et comparant l’immense univers catholique, ses parties claires et celles plus mystérieuses, avec ce monde antique où j’ai essayé de pénétrer en Grèce et sur les rives du Nil, je sens avec quelle étroitesse on pose généralement le problème de la croyance. Que me demande-t-on si je crois ? Je suis sûr que j’appartiens à la civilisation du Christ, et que c’est mon destin de la proclamer et de la défendre. Ici ma raison, mon être tout entier trouve son élément, son bien-être et son élévation. Dans une église, que m’importent les difficultés de mon esprit ! J’accueille le chant des chrétiens et m’y associe dans mon cœur. J’aime ces grands repos, cette quiétude où nous laissent, dans l’ombre des piliers, les longs exercices et les certitudes de la foi ; j’aime ces fusées sonores qui jaillissent, ces élans subits des foules croyantes, et, sans plus ratiociner, je demeure en paix à mon banc, je porte mes yeux sur les fidèles, j’écoute ce que disent les prêtres, et je prends tout ce dont je puis faire profit, laissant le reste me baigner, me pénétrer s’il le peut…

J’en étais là de ma rêverie, quand soudain je vis les grilles si mesquines, les vitraux blancs, d’innombrables parties pauvres et neuves. Qu’est-ce là ? Tout ce que les bâtons, les haches et les pierres ont pu atteindre a été détruit et remplacé misérablement. J’ai le cœur serré, moins du passé que de l’avenir, devant cet incomparable édifice menacé. Comment défendre l’Eglise, les églises, ces lieux de notre formation, ce bel endroit qui contente notre âme ?

À cette minute, dans une des chapelles latérales, un gros petit garçon, un enfant bedeau distribuait soigneusement des livrets sur une cinquantaine de chaises vides. Je m’approchai.

— C’est pour la messe de communion du jeudi, m’expliqua-t-il, et il me tendit un de ses petits livres.

C’était, en une trentaine de pages, la liturgie de la messe,