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J’admire l’intensité de la formation qu’ils subissent. Ce qui vient de leur être départi d’une manière mystérieuse, le jeune abbé le leur éclaire dans un petit discours entraînant qui s’achève sur ces mots : « Nous disons hautement, à la Bayard, à la Duguesclin, à la Jeanne d’Arc : Vive le Christ ! » Où trouver un plus beau patronage sous lequel placer un jeune Français ? Il y a dans ces hautes figures qui leur sont proposées en exemple, et dans l’accent de cette harangue, le résultat d’expériences plus larges et plus étendues que celles d’un individu. C’est le fruit de la plus longue réflexion collective. Faire saisir et répéter cela par des enfans, le placer à jamais dans des cœurs encore tendres, c’est assurer notre immortalité.

En créant chez ces petits communians cet état d’émotion, l’Église scelle dans leurs cœurs, mieux que ne ferait aucune pédagogie, nos vérités françaises. Il s’agit que l’âme existe au plus tôt ; il s’agit de la promouvoir, de la nourrir, de la rattacher au monde héroïque. Les plus petits sont aptes, mieux que de plus âgés, à recevoir ce bienfait, encore qu’ils n’en aient pas la pleine connaissance, parce que les affections du cœur et les émerveillemens de l’imagination précèdent le parfait développement de l’intelligence. Ce n’est pas la raison qui nous fournit une direction morale, c’est la sensibilité. Le vieux Kant s’est donné bien du mal, avec sa dialectique géniale, pour atteindre à son impératif catégorique, qui n’est que la leçon piótiste que sa mère lui faisait réciter quand il était petit. Notre conscience d’homme nous révèle surtout ce qu’elle a reçu dans la première enfance, à l’âge où notre entourage donne une inclination aux premiers souhaits du cœur. Il faut déposer dans une jeune mémoire des souvenirs, ces souvenirs d’enfance qui sont toujours très doux et auxquels viendront se rattacher et s’attendrir mille instans de notre dure vie. La caresse d’une mère, une belle promenade, des heures émerveillées par des récits heureux agissent sur toute l’existence. Devant moi, dans cette humble scène, l’Église vient de diriger et de fixer les puissances de vénération de ces petits sur ce qui ne doit pas mourir.

J’ai vu la mort envahir les parties les plus périssables de l’édifice, mais, je le jure, son âme demeure. C’est bien ici le lieu où l’homme reçoit, se compose une conception de son être qui le force à s’élever au-dessus de lui-même. Ici les générations héritent les leçons et les exemples d’une grande civilisation.