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qui lui arrivaient de si précieuses trouvailles : « Les copies, écrivait-il à Clinton, de la très importante correspondance qui est si heureusement tombée entre vos mains montrent que la cause des Rebelles est presque désespérée, et que rien que le succès d’une entreprise extraordinaire ne pourrait lui rendre vigueur et activité. Je confesse que je suis charmé qu’ils aient choisi New York comme objet de leur effort. » (14 juillet 1781.) Clinton accusait réception peu après à lord Germain d’un renfort de 2400 recrues allemandes qu’il prenait bien soin de garder à New York jusqu’à la fin, sans en rien aventurer au dehors.

Les alliés n’avaient rien omis, de leur côté, pour confirmer le commandant anglais dans sa croyance. Ils avaient fait construire de solides fours de briques, à proximité de New York, comme pour cuire le pain de toute une armée pendant un long siège. Puis ç’avaient été des reconnaissances, des marches et contremarches, un envoi de bateaux vers Long Island, « sans entrer toutefois dans la baie d’Oyster, » des escarmouches qui semblaient le préliminaire d’opérations plus sérieuses et au cours de l’une desquelles, en compagnie des deux Berthier et du comte de Vauban, Closen manqua de perdre la vie pour sauver son chapeau. « Uni faux amour-propre me fit rappeler, dit-il, la plaisanterie militaire : Ah ! il a perdu son chapeau ! Sans autre réflexion au danger, je mets pied à terre au milieu des coups de fusil. » Il sauva sa coiffure ; les généraux le blâmèrent au retour pour ce risque inutile, « et le bon Washington me frappant sur l’épaule ajouta : Mon cher baron, ce proverbe français n’est pas connu dans notre armée, mais votre sang-froid pendant le danger le sera. » Ces mots sont cités en anglais, comme étant (sauf une faute de grammaire que Washington n’a pu commettre) les propres paroles du grand homme au jeune aide de camp.

Brusquement, le 18 août, les deux armées lèvent le camp, remontent de trois marches vers le Nord, passent, au milieu de grandes difficultés, par une chaleur torride, avec un lourd bagage, le large cours de l’Hudson à King’s Ferry ; mais sans être plus inquiétées que devant. Comment expliquer cette inaction de Clinton ? « Elle est pour moi, écrit le comte Guillaume de Deux-Ponts dans son journal (dont le manuscrit, retrouvé à Paris sur les quais, a été publié en Amérique), une énigme