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province en particulier, commerce, agriculture, sol, produits, enfin tout ce qu’il y a de plus intéressant à savoir. Il sait jusqu’aux moindres particularités de ces guerres depuis le commencement des troubles. Il parle toutes les belles langues en perfection et sa bibliothèque est très bien choisie, même assez considérable encore, malgré la visite qu’un détachement de Tarleton lui a faîte, qui lui a coûté cher et qui a fort effrayé sa famille. »

Quantité d’adresses exprimant la plus fervente gratitude étaient reçues par Rochambeau, du Congrès, de la législature des divers Etats, des Universités, du maire et des habitans de Williamsburg, toutes louant l’exemplaire discipline de nos troupes. L’assemblée du Maryland rappelait les extraordinaires préventions existant naguère en Amérique contre les Français : « Il était réservé à vous seul de maintenir dans des forces éloignées de leur propre pays la discipline la plus stricte et de convertir en estime et affection des préjugés anciens et profonds[1]. »

Les « président et professeurs de l’Université de Guillaume et Marie » à Williamsburg font en style grandiloquent l’éloge de la simplicité, décidés à employer, disent-ils, non « le langage prostitué des flatteries à la mode, mais les termes qui conviennent à la Vérité et à la sincérité républicaine. » Après des remerciemens pour les services rendus et en particulier le paiement des dégâts causés par la présence de nos troupes, ils ajoutent, ce qui est digne d’attention : « Parmi les sérieux avantages que ce pays a déjà tirés et doit continuer a jamais de tirer de ses relations avec la France, nous sommes persuadés que la diffusion des connaissances utiles ne sera pas des moindres. La présence, dans votre armée, de personnages distingués nous est d’un heureux présage que la science, comme la liberté, acquerront de nouvelles forces, grâce au bienfaisant concours de votre nation[2]. » Le général, qui s’était mis à apprendre l’anglais, se

  1. Au moment où Rochambeau rentrait en France, La Luzerne lui confirmait cet important résultat : « Votre sage et brave armée a, non seulement, contribué à mettre un terme aux succès des Anglais dans ce pays, elle a encore détruit en trois ans des préjugés enracinés depuis des siècles. » (8 octobre 1782.)
  2. Pour encourager de tels sentimens chez les signataires, Louis XVI, fit cadeau à cette université, peu après la guerre, de « 200 volumes des plus beaux et des meilleurs ouvrages français ; » mais, rapporte La Rochefoucauld-Liancourt qui les vit en 1796, ils arrivèrent fort endommagés, parce que « le négociant de Richmond qui était chargé de les faire passer au collège, les oublia assez longtemps dans sa cave, au milieu des barils de sucre et d’huile. »