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n’aurait plus existé quinze jours plus tard ; il est arrivé à Paris avant que la sédition (Malet) eût eu le temps de se reconnaître. Il a tout arrangé, tout ordonné, tout pacifié et pendant qu’on disait ici : Il est à bas, il meurt de honte, il n’a plus d’argent, plus d’officiers, de chevaux, etc. ; il était au sein de l’Allemagne à la tête de 200 000 hommes. Il a livré à Lutzen un combat de treize heures où les mêmes postes ont été pris et repris jusqu’à six fois ; il a fait reculer les Russes et les Prussiens et les a obligés à lui céder ces malheureux peuples qui s’étaient trop montrés pour la bonne cause. Il a combattu trois jours de suite à Kœnigswarter, à Bautzen et a rejeté l’empereur de Leipzig à Schweidnitz. »

Comment expliquer ce désastre nouveau des alliés ? En voici les motifs, d’après de Maistre. « Le premier est le trop grand mépris qu’on avait conçu pour un ennemi dont on ne calculait pas assez les immenses ressources ; le second est l’invariable lenteur des Autrichiens. L’Empereur a parlé dix semaines à Kotisch, toujours occupé à négocier avec eux. Ils l’ont engagé à entrer en Saxe, promettant d’être incessamment à côté de lui ; puis ils l’ont laissé faire, et je crois même que, si la Prusse avait été obligée de se détruire elle-même, comme son infortuné souverain l’avait ordonné conditionnellement dans sa belle et triste proclamation du 21 avril, la pieuse Autriche se serait fort bien soumise aux décrets de la divine Providence. Mais il paraît qu’elle en a ordonné autrement… Napoléon a fait son métier de grand capitaine en essayant de tenter un grand coup avant que l’Autriche eût pu amener ses bataillons. » Le comte de Maistre ne ménage pas ses reproches au gouvernement de l’Autriche. « L’esprit de l’Autriche-Nation est excellent, mais l’Autriche-Puissance, que fera-t-elle ? Chose incroyable ! le 2 de ce mois, elle n’avait point encore bougé. Ne veut-elle point examiner encore de quel côté penchera la balance, conquérir des provinces avec le sang d’autrui et gagner un lot immense dans une loterie où elle n’a pas mis de billet ? Nous verrons. Ce que personne ne doit oublier, c’est que le Cabinet autrichien, qui est l’Empereur, et que les vertus de la Cour sont étrangères à la question, comme à l’empire de la Chine. Heureusement, les choses iront par leur propre poids et tout finira, je crois, par les Français. Il est écrit qu’ils seront cruellement châtiés dans cette occasion, mais nullement humiliés, et toujours ils sortiront de là avec la