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démocratie, l’Atelier meurt de la mort des braves, sur le champ de bataille. » Avec fierté, il passe en revue ses collaborateurs ; il offre, pour clore sa publication, « la preuve d’un fait qui, trop souvent, a été contesté par des adversaires de peu de bonne foi, à savoir que l’Atelier ait été rédigé exclusivement par des ouvriers. » Puis il ajoute : « Quelques-uns des noms qu’on va lire sont sortis un moment de leur modeste sphère ; ils ont été ou sont encore mêlés aux luttes de parti, dans la presse ou ailleurs, mais nous avons l’orgueil de le constater, tous sont redevenus après ce qu’ils étaient avant. » Ainsi Corbon, sculpteur sur bois (ex-constituant) ; Gaillard, typographe (ex-chef de bataillon de la 9e légion) ; Gilland, serrurier (représentant du peuple) ; Pascal, typographe (lieutenant-colonel de la 11e légion) ; A. Perdiguier, menuisier (représentant du peuple), etc. Il vaudrait de pénétrer dans le détail des dix années de la vie de ’l’Atelier, ce qui serait aller plus avant dans la vie, pendant ces dix années, de la meilleure partie de la classe ouvrière ; mais il y faudrait une étude spéciale, et l’immensité de notre sujet nous condamne à ne jeter que des coups de sonde en passant. Je veux dire du moins que je n’ai pu feuilleter sans respect, ni même sans émotion, les trois volumes in-4o à deux colonnes très serrées qui forment la collection du journal et qui méritent de demeurer comme le monument d’un noble effort.

L’Atelier n’était pas la seule, ni même la première tentative de ce genre. Dans la notice historique qu’il tint, avant de disparaître, à consacrer « à la presse ouvrière, » il mentionne « une petite feuille dont le titre échappe à notre souvenir et qui était en grande partie rédigée par de véritables ouvriers, » tout de suite après la Révolution de 1830 ; « cette publication dura peu de temps. » Jusque vers 1840, « la pensée populaire n’eut son expression dans la presse que par trois ou quatre ouvriers, » collaborateurs par intermittence de quelques journaux républicains, et notamment du Bon Sens, organe à tendances « qu’on appellerait aujourd’hui socialistes. » Au commencement de 1840, devançant l’Atelier de six ou huit mois, parut la Huche populaire, « revue mensuelle, presque tout entière écrite par des ouvriers. Le saint-simonisme, quoiqu’il parût être enterré depuis longtemps, y faisait sentir son influence par trois anciens disciples de l’école, MM. Vinçard aîné, Gallet et Desplanches. Le communisme et le fouriérisme déteignaient également en