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santé, à fatiguer son cœur dont il devait mourir, et c’est par elles qu’il était déjà « un vaincu du temps, » le jour où fut inauguré l’Institut auquel on avait, malgré lui, donné son nom.


Sur les circonstances qui ont précédé la création de l’Institut Pasteur règnent diverses légendes dont l’une au moins a fait de nouveau, le mois dernier, le tour de la presse et que l’on nous permettra de rectifier ici. Ce n’est pas le petit berger comtois Jupille qui subit le premier le traitement antirabique, mais un petit Alsacien nommé Meister, qui avait reçu 14 morsures terribles d’un chien enragé et que Pasteur sauva. Si le cas de Meister a passé plus inaperçu, c’est qu’il ne fut publié que, plus tard, et que, d’autre part, le petit Jupille fut vite célèbre à cause de l’héroïsme avec lequel il avait combattu, pour protéger d’autres enfans du chien dont il fut mordu. Jupille est aujourd’hui concierge de l’Institut Pasteur, et il peut admirer dans la cour de l’Institut la statue qui représente sa lutte avec le chien enragé ; de tous les membres de la fidèle corporation qui veille aux portes de nos demeures, il est sans doute le seul qui ait eu sa statue… au moins de son vivant. Quant à Meister, il est également employé aujourd’hui à l’Institut Pasteur. L’achat d’un terrain à Vaugirard, la construction et l’outillage des laboratoires avaient absorbé 1 million et demi, ne laissant sur le produit de la souscription qu’un million pour la dotation de l’Institut en 1888. Celui-ci devint bientôt insuffisant. Les travailleurs n’y trouvaient plus de place, ni d’instrumens. Il fallait s’agrandir. La sérothérapie antidiphtérique révélée au monde par le docteur Roux au congrès de Budapest en 1894 (nous y reviendrons dans le cours de cette étude) vint en donner les moyens. Une souscription publique ouverte à la suite de ce Congrès donna environ 1 million qui servit à installer, dans le domaine de Garches prêté par l’État, des écuries bien aménagées où l’on put immuniser un grand nombre de chevaux destinés à fournir le sérum de Roux. Puis vinrent de généreuses donations anonymes, — il y a encore de parle monde de belles actions qui ne cherchent qu’en elles-mêmes leur récompense, — qui permirent d’acquérir, juste en face de l’Institut, un terrain de 14 000 mètres carrés où l’on a construit l’Institut biologique et l’hôpital Pasteur, terminés en 4 900.

La bienfaitrice inconnue qui, au lendemain du congrès de Budapest, vint trouver Pasteur et lui proposa de prendre à sa charge la construction et l’entretien d’un hôpital où seraient appliquées les méthodes