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microcosme, mille êtres qui semblent presque consciens et qui s’appliquent comme de bons serviteurs à leur rôle bienfaisant, a soulevé des discussions et des tumultes qui ne sont pas encore apaisés tout à fait.

Pourquoi les phagocytes sont-ils attirés par des microbes peu virulens, repoussés au contraire par les microbes virulens, ce qui est en somme tout le problème de la vaccination ? Cette question, M. le docteur Roux le rappelait l’autre jour, a été résolue par un élève de M. Metchnikoff, M. Massard. Les phagocytes sont influencés par les substances toxiques sécrétées par les microbes et qui diffusent autour d’eux dans les liquides organiques ; ainsi sont-ils prévenus de l’arrivée de l’ennemi. Mais les microbes les plus énergiques sécrètent des poisons violens qui les stupéfient et les paralysent. Le poison émis par les mêmes microbes atténués est moins énergique, les phagocytes s’y accoutument peu à peu au cours des vaccinations progressives, de sorte qu’ils sont en état, après celles-ci, de résister victorieusement aux microbes doués de toute leur virulence.

Mais que devient la théorie phagocytaire de l’immunité en présence, non plus de la vaccination, mais de la sérothérapie ? Dans celle-ci, ce ne sont plus les microbes qui confèrent l’immunité, mais les humeurs, filtrées de leurs microbes, des animaux rendus réfractaires. Et alors on peut se demander si la théorie cellulaire de l’immunité n’est pas en défaut, et si par-là même ne triomphe pas la doctrine humorale des immunités dont Ehrlich a été l’illustre tenant. En réalité, il n’en est rien, car il est prouvé que les anticorps qui confèrent à ces humeurs leur action proviennent des phagocytes eux-mêmes ; ce sont donc toujours ceux-ci qui, dans la sérothérapie, agissent comme agens de défense ; ils sont absens, mais leurs produits sont là, et on ne peut pas plus leur dénier ici le rôle essentiel qu’on ne pourrait le dénier à l’artilleur dont le boulet frappe l’ennemi bien loin de l’endroit où il a pointé sa pièce. Les deux doctrines de l’immunité s’accordent donc sur ce terrain, et c’est pourquoi sans doute, suivant la remarque du docteur Roux, l’Académie de Stockholm a tenu à décerner le même prix Nobel à MM. Metchnikoff et Ehrlich.

La doctrine de la phagocytose, qui montre que notre corps est, comme notre âme elle-même, un champ de bataille perpétuelle, a eu bien d’autres prolongemens. Elle permet d’interpréter tous les phénomènes d’inflammation et de dégénérescence. Les naturalistes peuvent aujourd’hui grâce à elle expliquer le mécanisme étrange des métamorphoses des insectes. La célèbre réaction de Wassermann, dont