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d’entamer des négociations louches avec le Vatican ! Tout cela date à-peine de quelques semaines et tout cela est déjà périmé. On est passé à d’autres exercices. Il a fallu quelque effort de mémoire pour se rappeler de quoi il s’agissait. Un seul passage de cette partie du discours de M. Barthou mérite d’être retenu : c’est celui qu’il a consacré à nos rapports avec le Vatican. Il a protesté une fois de plus, avec plus d’énergie que le fait n’en valait la peine, contre l’allégation qu’il aurait, « par des négociations occultes, renoué indirectement des relations avec le Saint-Siège, » mais il a ajouté : « Si je m’en défends d’ailleurs, ce n’est pas que le rétablissement des relations avec le Vatican soit incompatible avec le maintien, à mes yeux inaliénable, du régime de la Séparation : c’est simplement qu’un gouvernement, s’il en ressentait la nécessité, n’aurait pas le droit d’engager de semblables négociations en dehors de la volonté avertie du Parlement. » À la bonne heure ! Aucun homme politique sérieux n’oserait soutenir que l’état de rupture qui existe actuellement entre la République et le Saint-Siège soit celui qui convient normalement et définitivement aux intérêts du pays. M. Barthou s’est bien gardé de conclure que la porte devait rester fermée à tout rapprochement ultérieur ; il a dit seulement que, pour la rouvrir, le gouvernement devait demander la clé aux Chambres. M. Barthou limite peut-être un peu trop l’initiative qui appartient au gouvernement, et il y aurait à ce sujet des réserves à faire ; mais ce n’est pas le moment. Qu’il nous suffise de retenir qu’à ses yeux, aucune incompatibilité n’existe entre le régime de la Séparation et la reprise de relations diplomatiques avec le Saint-Siège. C’est une vérité qui est en marche.

Dans la seconde partie de son discours, M. Barthou a cessé de se défendre, il a attaqué à son tour, mais il s’est appliqué à rester dans le domaine des faits et des idées, à oublier les personnes, à ne pas augmenter et aggraver les divisions entre républicains : la force de son argumentation n’y a d’ailleurs rien perdu. Il était assurément en droit de dire que, si on néglige ses projets de réforme qui appartiennent à l’avenir, M. Caillaux n’a rien trouvé de mieux à faire, dans le présent, que ce que faisait son prédécesseur. À peine même le fait-il autrement et personne ne soutiendra qu’il le fasse mieux. La Chambre en a eu l’impression très vive lorsque M. Caillaux lui a lu du haut de la tribune une longue lettre qu’il avait adressée à M. Cochery, président de la Commission du budget, lettre que tout le monde a qualifiée de Message. La solennité de la mise en scène, aussi bien que l’importance du sujet, comportait en effet cette désignation ; mais sous toute cette