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universel : entre les deux le gouvernement ne peut pas garder une attitude équivoque. Il est impossible, et pour sa dignité et pour l’intérêt du pays, qu’on escompte son indécision ou sa neutralité. Il faut qu’il parle et il faut qu’il agisse…La gageure serait intolérable si le gouvernement, acquis à la loi de trois ans, favorisait de son concours ceux qui font de son abrogation la base de leur programme et l’article principal de leur profession de foi. Il ne serait pas seulement contradictoire, il serait criminel, — et je mesure avec sang-froid toute la gravité de cette parole, — de voir les chefs d’un parti affirmer au pouvoir la nécessité nationale d’une loi militaire et pousser, dans les élections, à l’assaut de cette même loi leurs troupes, leurs amis et leurs alliés. Ce spectacle, outre qu’il serait une honte, créerait un danger dont l’état de l’Europe, instable et menaçant, accentuerait gravement les menaces. » Certes, ces expressions sont énergiques, mais elles n’ont rien d’excessif. Elles apportent aujourd’hui un conseil au gouvernement, et nous craignons que demain elles ne soient pour lui une flétrissure. Le gouvernement restera à la remorque de son parti. Le Radical, journal officieux par excellence et organe spécial de M. Caillaux, ne nous laisse aucune illusion sur le compte qui sera tenu des avertissemens de M. Barthou. « Nous ne demanderons pas au gouvernement, écrit-il, de procéder à la nécessaire réorganisation militaire dans les quelques semaines qui nous séparent de la fin de la législature. Mais nous nous réservons de dire la vérité au pays et de l’appeler à se prononcer. Il serait scandaleux et criminel, dit M. Barthou, que M. Doumergue n’y mit pas son veto. Le scandale au contraire serait que le gouvernement, qui n’est pas responsable de cette loi néfaste, qui ne fait, en l’appliquant loyalement, qu’accomplir son devoir, en attendant que le pays se soit prononcé, prétendît empêcher les gauches d’éclairer ce pays, d’exiger d’elles la soumission aveugle au dogme promulgué par son prédécesseur. » Le Radical ne demande pas au ministère de procéder à ce qu’il appelle la nécessaire réorganisation militaire, c’est-à-dire à l’abrogation de la loi de trois ans, dans les quelques semaines qui nous séparent de la fin de la législature ; non, assurément, il ne le lui demande pas ; jusqu’à la fin de la législature, le gouvernement doit faire le mort, afin de ne pas s’exposer au péril de mourir en effet. Mais quand les Chambres seront parties, quand la période électorale sera ouverte, préfets, sous-préfets, fonctionnaires grands et petits, jusqu’aux instituteurs, hélas ! entreront en campagne et soutiendront éperdument les adversaires de la loi de trois ans, pêle-mêle avec les partisans de l’impôt sur le revenu et de