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LE MAROC FRANÇAIS
ET
LA QUESTION INDIGÈNE

La formidable « réclame » que l’opposition de l’Allemagne a faite au Maroc dans l’opinion française n’a guère laissé à la plupart de nos compatriotes la liberté d’esprit voulue pour se demander ce qu’était en lui-même ce pays si disputé et ce que notre nation doit en attendre. L’idée que la grande majorité des Français se fait encore du Maroc, deux ans après la signature du traité de protectorat, ressemble bien plus à un acte de foi qu’à un inventaire raisonné. Cet état d’esprit n’est pas sans inconvéniens. La note des frais de l’entreprise marocaine ne cesse de s’élever : quelque 63 millions en 1911, 132 en 1912, et des crédits respectivement de 212 et de 233 millions pour 1913 et 1914. Et il ne s’agit là que des dépenses militaires. Il apparaît clairement que le budget civil d’un pays où tout est à créer doit être en déficit pendant quelques, années et imposer des sacrifices à la métropole. En même temps se dissipent les illusions qu’une opinion, excitée par les crises d’Algésiras, de Casablanca et d’Agadir, se faisait des richesses du Maroc. On annonce qu’une disette causée par la sécheresse afflige la population de cette Normandie africaine. L’excès de la spéculation sur les terrains de certaines villes et l’incertitude dangereuse de la propriété rurale vont sûrement renvoyer bientôt en France un certain nombre de désenchantés. Beaucoup ne pardonneront pas à la réalité, encore très belle cependant, de