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prépondérance sur les exportations est énorme : 77 millions, en 1912, malgré la sortie de la magnifique récolte de 1911 et les statistiques de 1913 montreront un écart encore plus considérable. C’est que la production n’a encore pu être influencée que d’une manière insensible par le nouveau régime qui n’a pas commencé l’outillage économique du pays. La richesse qui y circule ne vient pas encore d’une augmentation des ventes à l’étranger donnant les moyens de solder les achats sans précédens faits par le Maroc au dehors. Ce sont les dépenses d’installation des colons et celles de l’armée qui ont payé le formidable excédent des importations ; c’est uniquement l’intervention française qui a versé sur le Maroc une quantité d’argent qu’on n’y avait jamais vue, et dont une partie est tombée entre les mains des indigènes, augmentant beaucoup leur puissance d’achat. Ceci est une contre-partie heureuse aux charges très lourdes imposées à la métropole et qu’aggravera le déficit certain du budget civil du protectorat pendant les premières années, avant que les travaux payés sur le fonds d’emprunt ne deviennent rémunérateurs. Cette coûteuse semaille a mieux que des effets matériels, et ce n’est pas seulement en entretenant des forces irrésistibles que la dépense du corps d’occupation est une prime payée à la pacification.

Bientôt le Pactole coulera plus abondant encore pour l’indigène dont l’horizon économique était naguère si rétréci. Le Maroc va emprunter 170 millions. Une fois payés 30 millions pour indemnités et dettes flottantes de l’ancien Makhzen, — qui nous a transmis le pays avec un passif de 194 millions ne représentant aucun travail utile, — on pourra consacrer 140 millions au premier outillage du pays. Ce sera le salaire assuré à beaucoup de meskine, de pauvres gens, et à un moment où la disette sévit sur une partie du Maroc à la suite de deux années de sécheresse. En outre, l’effet économique de ces travaux doit profiter à toute la population. Et ce premier appel du Maroc français au crédit doit nécessairement être à bref délai suivi d’un autre : il ne prévoit rien pour les chemins de fer alors que chacun sait que l’on reliera aussitôt que possible, par d’autres voies ferrées que le réseau militaire léger dont la construction se poursuit, non seulement Tanger a Fez, mais encore un point de cette première ligne à Kenitra, Rabat, Casablanca et ce port à Merràkech. La voie de jonction avec l’Algérie sera certainement