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dehors d’un rayon de dix kilomètres autour des ports ouverts, restent subordonnés à son autorisation : il peut donc mettre des conditions à celle-ci. La première doit être de ne permettre, conformément à l’esprit du droit musulman, la vente d’un terrain que par celui qui le possède actuellement et au moins depuis dix années. Avec certaines obligations imposées aux cadis et adoul, entre autres celle de constater la prise de possession, d’instruire les protestations qu’elle susciterait, et d’enregistrer les actes, cette réglementation arrêterait le trafic éhonté qui se fait du bien d’autrui.

La liquidation du passé est plus difficile, bien que tout aussi nécessaire. Disons, sans entrer dans les détails juridiques, que l’exterritorialité lui oppose un obstacle très grave. Les traités réservent bien à la juridiction locale, c’est-à-dire au tribunal du cadi, au Chrâa, le règlement des litiges immobiliers, mais comment fera-t-on pour obliger à comparaître l’étranger ou le protégé qui se serait assuré par une occupation la position de défendeur, si son consul ne voulait pas l’y contraindre ? Et comment, même si on instituait une procédure par défaut, encore inconnue de la justice indigène, pourrait-on exécuter le jugement rendu grâce à elle contre un étranger, si son consul ne s’y prêtait pas ? On voit la difficulté : jusqu’ici rien n’a été fait pour la résoudre.

Sans doute les progrès introduits par le protectorat dans la justice et l’administration ne laisseront bientôt aux étrangers aucun prétexte honnête pour refuser leurs droits immobiliers à toute vérification en les abritant derrière les impedimenta de l’exterritorialité : on annonce un prochain contrôle qui remédiera aux lenteurs et à la corruption du Chrâa. Déjà, d’autre part, une procédure d’immatriculation des terres par les tribunaux français, copiée, avec des améliorations, sur celle de la Tunisie, a été instituée. A vrai dire, jusqu’à présent, aucun propriétaire ne peut y recourir, faute de l’organisation des services voulus : regrettons même en passant que le Parlement ait réduit à 1 500 000 francs le crédit prévu sur les fonds d’emprunt pour le commencement du cadastre et qui devait d’abord s’élever à la somme, elle-même insuffisante, de 2 500 000 francs. Le service de la propriété foncière doit être créé aussi rapidement que possible et largement doté, quitte même à en atténuer les frais par un droit perçu sur les propriétés reconnues et qu’indigènes et