Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

levée : la crainte d’une liquidation immobilière par les seuls tribunaux français attache encore beaucoup d’intérêts à l’exterritorialité. Nous avons dit que l’institution de la Commission pour un délai strictement déterminé devrait avoir pour condition la reconnaissance, à l’expiration de celui-ci, de la compétence des tribunaux français dans tous les litiges immobiliers. Et d’ailleurs, ceux qui ont bien voulu adopter l’idée générale qui inspire cette étude admettront que noire intérêt le plus essentiel est de prendre tous les moyens pour éviter la spoliation de nombreux indigènes et ne pas encombrer notre avenir d’une Irlande marocaine.


Ainsi réglée en confirmant autant que possible aux paysans marocains le sol qu’ils utilisent, la liquidation immobilière laisserait une certaine place à la petite colonisation française qui est désirable. Sans doute, une bonne politique indigène peut contribuer à limiter comme il convient l’afflux de travailleurs européens : ceux-ci viendraient surtout de la péninsule voisine ; ils seraient en contact avec la zone espagnole et il faudrait les contre-balancer par l’introduction, au besoin artificielle comme en Algérie, d’élémens français assez nombreux. Il est bon de signaler à cet égard que le gouvernement du Protectorat se prépare à organiser très pratiquement l’enseignement professionnel de façon à dispenser le plus possible le Maroc d’aller chercher au dehors la main-d’œuvre nécessaire à sa transformation. C’est agir selon les nécessités d’une œuvre qui dépendra de ce que nous saurons tirer de l’élément indigène, composant de beaucoup le plus important de l’alliage humain qui va se faire dans le creuset marocain. L’évolution non seulement des 3 millions de Marocains, mais de l’ensemble des 10 millions de Berbéro-Arabes de notre Afrique du Nord, dont le nombre augmente chaque jour dans la paix française et atteindra, peu de temps sans doute après le centenaire d’Alger, la moitié de l’effectif de notre population métropolitaine, est un des plus grands problèmes nationaux de l’heure actuelle. L’entreprise coûteuse commencée en Algérie et continuée en Tunisie, puis au Maroc, ne sera inscrite définitivement à l’actif de notre nation que s’il est heureusement résolu.


ROBERT DE CAIX.