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concours d’un art plus assuré ; pour renouveler son répertoire ingénu, ils lui ont proposé des vers mieux tournés et des compositions plus cohérentes. Mais chanteurs et chanteuses ont refusé cette offre ; la poésie des poètes savans, trop belle, leur est restée pour compte. Celui qui s’attarde à voir les enfans s’ébattre sur les places, et se plaît à écouter la musique de leurs voix fraîches jusqu’à l’heure où le soir qui tombe les rappelle au logis, reconnaît toujours les vieilles paroles sur les vieux airs. L’ambassadeur demande obstinément la fille du roi en mariage, et le roi s’obstine à le décourager. L’œillet ne veut pas être à côté de la pensée, tandis que la rose veut être à côté du jasmin : ce qui signifie, pour les profanes, que telle petite fille doit sortir de la ronde, et telle autre y rentrer. Au refrain reviennent les mêmes mots aux voyelles chantantes, choisis pour leur musique plutôt que pour leur sens : agenouille-toi, Sandruccia, dit la ronde :


Inginocchiati, Sandruccia,
Violetta e violà

« Je me suis agenouillée, » répond Sandruccia :

Mi sono inginocchiata,
Violetta e violà

« Endors-toi, Sandruccia, » dit la ronde :

Addormentati, Sandruccia,
Violetta e violà….

« Je me suis endormie, » répond Sandruccia en fermant les yeux :

Mi sono addormentata,
Violetta e violà


Mais, à vrai dire, ninne-nanne, chansons à jouer, cantilènes, ne doivent pas retenir longtemps notre attention. Ce que nous cherchons, ce ne sont pas les caractères généraux de la littérature enfantine, tels qu’ils apparaissent dans tous les pays. Nous voudrions trouver la différence spécifique, la qualité originale, qui révèlent un tempérament et une race ; voir s’il est possible de reconnaître déjà, dans ce qui charme l’enfant, les traits qui marqueront la physionomie d’un peuple. Chez nous aussi, les