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l’innocent théâtre. Le directeur promet une montre à qui trouvera deux abonnés nouveaux, un nécessaire de toilette à qui en trouvera trois, voire « une charmante pendule style empire, imitant le marbre, et gracieusement décorée, » à qui saura en trouver quatre : ne sourions pas ; ne prononçons pas le vilain mot de mercantilisme. Pour être utile, il s’agit de vivre d’abord. Ajoutons que toutes ne sont pas réduites à demander les circonstances atténuantes. La plus répandue à l’heure actuelle, le Corriere dei piccoli, compte des collaborateurs de mérite. Son aspect pourrait être plus séduisant, et la qualité de ses dessins plus fine : tel qu’il est, il a conquis la foule, et sa renommée dépasse même les limites de la Lombardie qui le voit naître. Plus aristocratique, le Giornalino della Domenica, florentin, a toutes les finesses et toutes les grâces de l’esprit toscan. La reproduction de tableaux de maîtres, ou même des dessins originaux, sur la couverture ; des articles d’une fort belle tenue ; des illustrations de choix ; surtout, la collaboration assidue de Luigi Bertelli, à la fois directeur et auteur, que les enfans connaissent et aiment sous le nom de Vamba : telles sont les qualités qui font de ce journal le plus beau du genre en Italie, et un des plus beaux dans toute l’Europe.

Mais précisément, ils rappellent ceux que toute l’Europe produit ; ils ne présentent pas encore ce caractère unique que nous cherchons. — En somme, l’Italie a fait beaucoup pour les enfans. Il ne se passe guère d’année où quelque grave penseur n’exhume cette idée jadis émise par un critique illustre, que sa littérature n’est pas populaire : elle possède, en tout cas, une littérature enfantine qui a su se mettre à la portée de son public. Elle a des livres très simples pour le premier âge ; elle en a d’émouvans pour l’âge où on demande à être ému ; tant et tant, que devant les beaux catalogues de Noël, les petits demeurent émerveillés, et voudraient tout prendre pour éviter de choisir. De véritables spécialistes, au talent reconnu, continuent à fournir le marché littéraire de productions estimables ; dans chaque province circulent des journaux adaptés aux jeunes esprits. Mais, au-dessus de cette masse, deux livres émergent et triomphent ; joyeusement accueillis dans toutes les demeures, même les plus modestes ; presque également aimés, bien qu’ils soient très différens ; plus que classiques, populaires, et plus que populaires, familiers : l’un, Pinocchio ; l’autre, Cuore.