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« Si le corps exténué désire le vin, si le cœur adorant salue l’étoile retrouvée,

Combien plus à résoudre l’âme désirante ne vaut point l’autre âme humaine ? »


Et la Muse Erato, d’un regard appuyé sur les yeux des amans éveille leurs souvenirs.


« Et moi, comme la mèche allumée d’une mine sous la terre, ce feu secret qui me ronge

Ne finira-t-il point de flamber dans le vent ?

Qui contiendra la grande flamme humaine ?

Toi-même, amie, tes grands cheveux blonds dans le vent de la mer,

Tu n’as pas su les tenir bien serrés sur ta tête ; ils s’effondrent ! Les lourds anneaux

Roulent sur tes épaules, la grande chose joconde

S’enlève, tout part dans le clair de la lune !

Et les étoiles ne sont-elles pas pareilles à des têtes d’épingles luisantes ? et tout l’édifice du monde ne fait-il pas une splendeur aussi fragile qu’une royale chevelure de femme prête à crouler sous le peigne ? »


Enfin voici un lyrisme plus intime, sur la naissance d’un enfant.


« C’est donc vous, nouvelle venue, et je puis vous regarder à la fin.

C’est vous, mon âme, et je puis voir à la fin votre visage, Comme un miroir qui vient d’être retiré à Dieu, nu de toute autre image encore.

De moi-même il naît quelque chose d’étranger,

De ce corps il naît une âme, et de cet homme extérieur et visible

Je ne sais quoi de secret et de féminin avec une étrange ressemblance.

O ma fille ! ô petite enfant pareille à mon âme essentielle… Qui es-tu, nouvelle venue, étrangère ? et que vas-tu faire de ces choses qui sont à nous ?

Une certaine couleur de nos yeux, une certaine position de notre cœur.