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UNE VILLE ALSACIENNE.

allemande, selon l’expression que plus tard emploiera Bismarck, à peine était-il français, que les Allemands essayaient de l’arracher. Dès 1674, un détachement impérial de Kaiserslautern surprenait et tuait la garnison dans ses quartiers d’hiver ; en 1705, nouvelle tentative d’abord heureuse, mais que bientôt Villars réduisait à néant. Dès lors, toutes les guerres qui jetteront contre la France l’Allemagne et l’Autriche commenceront ou se termineront autour de Wissembourg. C’est un poste avancé où l’on attend toujours une attaque, où défilent toujours les troupes, où l’on s’étonne, quand on n’entend ni siffler les balles ni retentir le canon, où les enfans n’imaginent pas de plus beau divertissement qu’un combat, et jouent entre eux à la bataille.

Bien que Louis XIV eût ordonné en 1673 le démantèlement, Vauban ne voulait pas laisser la ville sans défense. Il résolut d’établir un système de fortifications qui, du col du Pigeonnier, point culminant des Vosges près de Wissembourg, se développerait jusqu’à Lauterbourg, en suivant la rive droite de la Lauter : ce sont les fameuses lignes de Wissembourg. Commencées dès 1704, elles furent continuées en 1706 par Villars, qui y fit travailler onze mille pionniers. Composées d’une série d’épaulemens et de parapets que renforçaient de distance en distance des redoutes, elles devaient se compléter par d’autres redoutes sur la rive gauche, ainsi que par des digues qui permettaient d’inonder les lieux d’alentour.

Le comte du Bourg les prolongea même, en 1708, jusque sur la Sarre, par de grands abatis d’arbres en forme de redans, à travers les Vosges. Il n’empêche qu’en 1744 une armée impériale, sous le commandement de Charles de Lorraine, emporta la ville par une alarme, célèbre encore dans la région sous le nom d’alarme des Pandours. Coigny, accourant, dut forcer ces lignes élevées pour la défense du royaume et qui étaient maintenant aux mains de l’ennemi. On sentit alors la nécessité d’entourer Wissembourg de nouvelles fortifications, et l’on se hâta. Le mur d’enceinte fut réparé, un fossé creusé, des remparts et des réduits construits ; une écluse et plusieurs batardeaux soutinrent les eaux des fossés à une hauteur moyenne de trois mètres. Quelques ouvrages extérieurs, d’abord projetés, ne furent pas exécutés. Dans la ville même, de nouvelles et nécessaires constructions, comme les différens corps de garde, aux