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La duchesse de La Trémoïlle me confia ne plus avoir de phrase pour Madame Adélaïde.

— J’en avais une superbe préparée pour le Roi, me dit-elle une autre pour la Reine, mais je vous avoue que j’ai oublié Madame Adélaïde. Comme je vois que tout le monde lui en dit une, je ne veux pas rester en arrière.

— Il me semble, dis-je à la duchesse que la Providence serait fort agréablement placée en cet endroit, surtout si vous n’en avez pas parlé au Roi, ni à la Reine.

— Dieu ! que vous avez raison, comte, la Providence, c’est ça !

Et voilà qu’elle se précipite sur Madame Adélaïde. Tout s’use vite en France. On ne vit pas longtemps sur une impression ; il faut toujours du nouveau, sans cela les Parisiens disent froidement le mot « encore ! »

Rien du reste, n’est plus impolitique que tous ces discours, adressés au Roi de tous les côté, ces larmes, pompeusement et publiquement versées, ces exagération du mal qui pourrait résulter de la mort du Roi.

Le Duc de Nemours a été très sérieusement malade, et les médecins milanais lui ont appliqué tant de sangsues, lui ont fait des saignées si abondantes, que le pauvre prince est plus malade des suites du traitement que de la maladie dont on l’a débarrassé. La Reine m’a dit qu’il en avait été si affaibli qu’elle doute qu’il puisse continuer son voyage et revenir aussi promptement que Mgr d’Orléans.

Le général Baudrand, qui a accompagné les princes à Berlin et à Vienne et ne les a quittés qu’après leur départ de Vienne, m’a donné beaucoup de détails sur leur séjour dans cette capitale : « Notre séjour à Berlin, m’a-t-il dit, a été bien plus fatigant qu’à Vienne. A Vienne, ç’a été du repos comparativement à celui de Berlin. Les princes en ont été enchantés. »

Pour lui, il ne saurait assez exprimer l’admiration qu’il a conçue pour l’archiduc Charles : « Ce grand capitaine, me dit-il, le plus grand de l’Europe, le seul qui se soit glorieusement mesuré avec Napoléon et qu’on puisse appeler son rival. Le voir retiré des affaires, au milieu d’une famille charmante, se soustraire à une gloire qui le suit malgré lui jusque dans sa retraite, cette modestie si vraie, cette simplicité à côté de tant de mérites, cette grande distinction unie à une bienveillance