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ce fleuve, vers l’Orient, entre lui et la Mer-Noire, s’étend la Dobroudja, que la Russie donna, en 1878 à la Roumanie, ou plutôt dont elle lui imposa l’échange contre la Bessarabie, province beaucoup plus fertile, annexée à l’empire moscovite par le traité de Berlin.

Dans le discours que le roi Carol prononça le 13 mars 1900, à la séance solennelle de l’Académie roumaine, il rappelait en termes excellens que l’appréciation judicieuse des conditions d’existence et de développement d’un peuple ne peuvent s’acquérir sans la connaissance approfondie de son histoire. Il remettait en même temps à l’Académie un document qui lui paraissait constituer un élément d’information précieux, le journal de l’abbé Comte d’Hauterive, nommé en 1785 secrétaire de l’Hospodar de Moldavie par le comte de Choiseul-Gouffier, ambassadeur de France à Constantinople. Avant de quitter son poste, Hauterive soumit à Alexandre Maurocordato un mémoire sur l’état ancien et actuel de la Moldavie, dans lequel nous trouvons à la fois des renseignemens sur cette province, qui forme aujourd’hui la moitié du royaume de Roumanie, et une série de considérations sur la condition de ses habitans et sur les mesures propres à l’améliorer, dont plusieurs ont été appliquées au XXe siècle.

Après les invasions des Grecs primitifs, dont Ovide, dix siècles plus tard, retrouvait les traces pendant son exil au bord du Pont-Euxin, après celles des Scythes et des Daces, l’empereur Trajan conquit le pays et le divisa en trois districts ; le premier comprenait la Hongrie et la partie occidentale de la Valachie, le second la Transylvanie, et le troisième l’espace qui s’étend du Pruth aux Carpathes, c’est-à-dire le reste de la Valachie et de la Moldavie. Cette dernière province, ouverte du côté du Nord, devint la proie successive de conquérans barbares, tandis que les colons romains se réfugiaient dans les montagnes de la Transylvanie. Au commencement du XIVe siècle, Dragosh s’établit dans la Moldavie. Parmi ses successeurs, Stephan Voda a laissé le nom d’un prince puissant et heureux ; il maintint l’indépendance de son pays, dont il porta les confins aux Carpathes, au Dniester et à la Mer-Noire.

Le peuple, quoique privé de toute propriété territoriale, parut à Hauterive doué de qualités remarquables qui, aujourd’hui encore, distinguent le paysan roumain. Mais les