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Quand on compare l’état actuel de la Roumanie avec le tableau qu’Hauterive traçait, il n’y a guère plus d’un siècle, de la plus grande partie des territoires qui constituent le jeune royaume, on mesure le chemin parcouru. On pourrait même remonter beaucoup moins haut dans l’histoire, examiner les hommes et les choses au début du règne de Carol Ier : on constaterait un progrès tel que ce qui reste à faire paraîtrait peu de chose en comparaison de ce qui a été accompli.

Les cinq sixièmes de la population roumaine s’adonnent aux travaux des champs et à ceux qui s’y rattachent directement ; ces familles rurales lui fournissent les élémens excellens d’une armée qui a fait ses preuves à Plevna et a depuis lors réalisé encore de sérieux progrès. L’industrie, au sens moderne du mot, la métallurgie en particulier, jouent un rôle bien moindre dans la vie nationale : des efforts suivis ont été faits et sont faits tous les jours pour développer cette partie de l’activité nationale : la mise en valeur des champs pétrolifères atteste la grandeur de l’œuvre entreprise ; mais le caractère dominant n’en reste pas moins l’agriculture. Les problèmes qui y ont trait ne cessent de s’imposer aux préoccupations de ses hommes d’Etat : ils se sont dressés devant eux avec une soudaineté et une violence extrêmes en 1907.

Les origines de la question agraire roumaine sont complexes et doivent être cherchées dans l’histoire de ces populations paysannes qui, pendant de longues années, vivaient sur les terres du seigneur en lui payant une redevance en argent ou en nature, sous forme de travail ou de dime. Elles consentaient à acquitter cette charge, mais elles n’auraient pas compris que le suzerain expulsât le vassal, dont le droit, non écrit, de vivre sur le domaine où il était né leur paraissait évident. Aussi longtemps d’ailleurs que régnait la vie pastorale, il ne s’élevait pas de grandes difficultés. Elles naquirent le jour où, les relations internationales ayant changé de caractère grâce aux voies ferrées et à la navigation à vapeur, la culture des céréales se développa dans les plaines fertiles de la Valachie et de la Moldavie. Les pâturages cédèrent alors la place aux champs de maïs et de blé, et le caractère individuel de la propriété s’accentua. Les grands propriétaires, dont les revenus s’accroissaient considérablement, abandonnèrent à des fermiers le soin de les faire rentrer, en imposant aux serfs des conditions souvent dures. Le