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mécontentement de ceux-ci grandissait : il fallut leur abandonner une partie des terres. Une série de mesures, dont les premières remontent à l’origine de l’État roumain moderne, eurent précisément pour objet d’amener le morcellement des latifundia, c’est-à-dire des grands domaines. Une partie de ceux-ci avaient déjà disparu en 1863, par l’effet de la loi qui avait sécularisé les biens des couvens grecs.

En 1864, une loi fondamentale du 15 août avait aboli le servage, imposé aux grands propriétaires l’obligation de céder une partie de leurs domaines et ordonné la mise en vente de terres de l’Etat. Elle avait aboli la corvée, la dime et les autres charges en nature ou en argent qui pesaient sur le sol. D’après un rapport de M. Antoine Carp, plus de 408 000 paysans sont alors devenus propriétaires : parmi eux, 72 000 sont dans une position aisée (fruntas, c’est-à-dire de front, en première ligne) ; 202 000 dans une condition moyenne {mijlocas, ayant deux bœufs) ; 134 000 n’ont point de capital (pàlmas). À côté de ceux à qui des terres ont été attribuées, beaucoup sont restés sans en recevoir : d’abord ceux qui, à la suite d’accords intervenus entre eux et les propriétaires, ont cessé d’être corvéables et ont obtenu une maison et un jardin, puis les nouveaux mariés qui n’ont pas encore le droit de résidence ; enfin ceux qui vivent sur des domaines seigneuriaux dont la fraction prescrite par la loi a été aliénée. Il arrivait en effet que dans les districts très peuplés, notamment dans les parties accidentées du pays, même les deux tiers des propriétés que la loi obligeait leurs possesseurs à céder ne suffisaient pas à doter de terres toutes les familles de paysans. Celles-ci pouvaient s’établir sur les terres domaniales les plus proches, où l’État était autorisé à leur vendre jusqu’à 12 pogones (6 hectares). Dès 1876, une circulaire du président du conseil Oratiano, le père du président actuel du Cabinet libéral, invitait les préfets à hâter l’application de cette dernière disposition. Une loi de 1881 réglementa la vente des terres domaniales aux paysans par lots de 2, 4, 6 et 8 hectares. Elle leur donnait des facilités de paiement, tandis que les acheteurs de plus grandes étendues étaient obligés de verser la totalité du prix dans les neuf mois. La loi de 1884 fixe à 5 hectares la contenance maximum des petits lots et interdit aux acquéreurs d’en réunir plus de deux. Elle donne la préférence, lors de la mise en vente, à ceux qui