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études consacrées à Horace par les humanistes du siècle dernier, les Hippolyte Rigault, les Goumy, les Boissier : nous n’y trouvons rien de ce genre. Hippolyte Rigault, jeune homme très spirituel et la fleur de l’université sous la monarchie de Juillet, fin moraliste et précieux lettré, goûte Horace et le juge : si la poésie le ravit, l’épicurisme ne lui impose pas ; docile aux vers, il blâme la doctrine. Chez Goumy, ah ! nulle philologie ! Plutôt, il la remplaçait par de très intelligentes digressions, par les prouesses d’une verve impétueuse et par des facéties de toute sorte, plusieurs inopinées ; au lieu de discuter un texte, ce républicain taquinait, en passant, les bonapartistes. Boissier, plus savant, très savant et avec la plus élégante maîtrise, porte légèrement son érudition ; et il ne s’embarrasse pas de fardeaux inutiles, il a jeté les lourds bagages de néant : parmi les poèmes d’Horace, il se promène, attentif et rapide. M. Courbaud n’a point cette allure dégagée : Ribbeck, Wieland, Meineke, Lehrs et Müller le retardent.

Vais-je le lui reprocher ? Oui, quand je constate qu’au surplus, toutes les conjectures qu’il examine, il finit par les rejeter. Il les présente, loyalement ; il épilogue à leur propos et enfin démontre qu’il faut conserver la leçon des manuscrits. Alors, dira-t-on, voilà beaucoup de philologie en pure perte ; et, ne le dissimulons pas, Horace en a pâti.

Pourquoi M. Courbaud n’a-t-il pas, tout simplement, éconduit les philologues stériles et encombrans ?… Vous en parlez bien à votre aise !… Vous ignorez le despotisme de ces personnages, qui sont difficiles à vivre. M. Courbaud, lui, les connaît. Il s’excuse auprès d’eux ; ou il renonce à gagner leur pardon : mais il sait leur férocité. Il tâche de les amadouer ; il essaye de les convaincre. philologues redoutables, il ne pouvait pas s’arrêter à toutes les particularités du texte et signaler tous les problèmes que le texte pose. Cela, c’est le travail de l’éditeur et il ne songeait point à faire une édition… Ici, les philologues lui tournent le dos : à quoi songeait ce littérateur ?… Non, philologues ; ce travail, il vous l’a laissé. Puis, les problèmes que le texte pose, il ne les a point négligés ; et il s’est efforcé de les résoudre, pour son usage : avec votre aide, ô philologues !…

Les philologues ont pris, de nos jours, une terrible autorité ; il n’est pas de plus impérieux et insolent dogmatisme que celui des philologues. Ces humbles serviteurs des deux déesses tiennent le haut du pavé, dans la cité universitaire ; et que de morgue ! Ces gens sont ou se croient en possession de la méthode ; ils en ont perdu toute aménité. Tels sommes-nous : dès l’instant où l’on se croit en possession