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et se sont aperçus qu’il différait fort de celui du Palais-Bourbon. La leçon profitera-t-elle ? Le souvenir s’en maintiendra-t-il ? Les députés tiendront-ils les engagemens des candidats ? Cela dépendra pour beaucoup du gouvernement qui veillera au début de la législature. Le ministère Doumergue pouvait suffire à une Chambre mourante et déjà entrée en décomposition ; il ne suffira pas à une Chambre renaissante et qui a quatre ans devant elle. Les présidens et les membres les plus importans des anciens ministères ont tous été réélus au premier tour de scrutin : M. Briand, M. Barthou, M. Millerand, et cela aussi est significatif. Les hommes, si on le veut, ne manqueront pas aux choses.

Mais ces observations sont peut-être prématurées, puisque la consultation du pays n’est pas encore complète. Trois points toutefois sont, dès maintenant, hors de cause : le service de trois ans contre lequel la plus violente campagne a échoué et que le pays a définitivement consacré, le scrutin de liste et la représentation proportionnelle, enfin la réforme fiscale faite d’accord avec les principes de la Révolution française et conformément aux mœurs nationales. C’est ce que les élus du 26 avril ont promis à leurs électeurs, et nous en prenons acte.


Paris a été l’interprète et le représentant de la France dans les fêtes dont il a entouré la visite que viennent de nous faire le roi George V et la reine Mary. Tout y a réussi à souhait et il semble même que le ciel ait voulu y participer avec une bienveillance particulière, car il a, lui aussi, prodigué ses sourires. Mais c’est surtout à lui-même que Paris a dû le succès d’une manifestation à laquelle il s’est livré avec un de ces élans spontanés de cordialité joyeuse qu’il n’avait pas eu depuis la visite de l’empereur de Russie. Le gouvernement, aidé du protocole, est toujours sûr de pouvoir accueillir les hôtes de la France avec correction et convenance, mais il n’est pas maître de l’âme, de Paris ; elle reste indépendante et ne se donne qu’à qui lui (plaît. La présence de la reine Alary a été heureuse ; la population de Paris y a été très sensible ; le Roi a inspiré à tous ceux qui l’ont approché un sentiment de confiance et de respect. On sentait qu’il n’y avait, pas plus d’un côté que de l’autre, rien de banal ni de conventionnel dans les sentimens qu’on s’exprimait et qui ont pris une forme parfaite dans les toasts prononcés au banquet de l’Elysée. Le président de la République et le roi d’Angleterre ont parlé tous les deux au nom de leur pays, avec simplicité, avec gravité, avec force, et leurs paroles ont été