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que les troupes d’occupation se retireraient immédiatement. C’était une mise en demeure. Dans tout ce pays, la surexcitation a été extrême. À Mexico, elle a pris le caractère de la fureur. La statue de Washington a été renversée et on dit que les morceaux ont été jetés aux pieds de celle de Juarès. Huerta lui-même n’allait-il pas devenir un autre Juarès ? En tout cas, c’était la guerre, et le Mexique en acceptait la chance. Sans doute, à la longue, les États-Unis vaincraient sa résistance ; mais il leur faudrait pour cela refondre leur armée qui n’est pas préparée à une aussi grande entreprise, dépenser beaucoup d’argent, encourir de lourdes responsabilités internationales. Et tout cela pour un profit qui ne paraissait pas de nature à récompenser l’immensité de l’effort. Sans compter les dangers qui pouvaient venir d’ailleurs. Qui sait, en effet, si le Japon ne profiterait pas de l’occasion qui s’offrirait à lui de prendre parti dans l’affaire et d’y jouer son jeu ?

On en était là et la perplexité était générale, lorsque l’Amérique latine, — le Brésil, l’Argentine et le Chili, — est intervenue par une proposition libératrice. Un des plus sensibles inconvéniens de la politique de M. Wilson était de provoquer une émotion profonde, et même quelque chose de plus que de l’émotion, dans toutes ces républiques de l’Amérique du Sud, qui n’acceptent ni sans réserves, ni sans réticences, l’espèce d’hégémonie que les États-Unis prétendent exercer sur tout le Nouveau Monde, et qui ne pouvaient pas voir d’un œil tranquille l’exécution dont le Mexique était menacé. Une fois déjà, au début du conflit, les États de l’Amérique du Sud avaient offert une médiation dont la proposition avait alors été déclinée ; mais ils l’ont proposée de nouveau et, cette fois, l’offre a été accueillie. M. Wilson n’aurait pas pu la repousser sans s’exposer à une réprobation qui se serait étendue très loin, et aurait pris dans l’Amérique latine un caractère particulièrement vif. Aussi sa réponse a-t-elle été affirmative. Nous en détachons la phrase suivante : « Conscient du but dans lequel cette offre est faite, le gouvernement américain ne se croit pas le droit de la rejeter. L’intérêt principal de ce gouvernement se trouve dans la paix de l’Amérique, dans les rapports cordiaux des diverses républiques américaines avec notre peuple et dans le bonheur et la prospérité qui ne peuvent venir que de l’accord réciproque et de l’amitié créée par la poursuite d’un but commun. » Cette solidarité établie entre toutes les républiques de l’Amérique est en effet un grand et bel idéal, assez près d’ailleurs d’être une réalité ; seulement, dans leur pensée, les États-Unis devaient être les inspirateurs et les guides de la politique commune, et l’ordre des facteurs se