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débarqueront successivement. Le lieutenant Largeau a quitté le premier la France ; il est en ce moment à Loudima, cherchant à recruter des porteurs. Je me suis mis en route, quinze jours après lui, avec le lieutenant Simon et le sergent Dat ; par le bateau suivant sont partis le capitaine Germain, le lieutenant Mangin, le docteur Emily, l’adjudant de Prat, les sergens Venail, Bernard, et les tirailleurs ; ils seront ici dans quelques jours. Enfin le capitaine Marchand, retenu à Paris par les dernières mesures à prendre, d’ordre matériel ou politique, ne nous rejoindra pas avant un mois.

Loango ne s’est pas modifié. Je l’ai retrouvé tel que je l’ai laissé, il y a deux ans, lorsque, sur un ordre ministériel, la mission Monteil a dû abandonner le Congo et se rembarquer pour la Côte d’Ivoire. Je revois disséminées sur le bord du plateau, face à la mer, et séparées par de larges espaces dénudés, les mêmes maisons de commerce, les deux anglaises, les trois portugaises, la hollandaise et les trois françaises ; aucune autre ne s’est élevée depuis mon départ. Cet égrènement de bâtisses, la plupart en bois, commence par une des maisons françaises, et s’allonge en pente vers le Sud pour se terminer par les bâtimens de la mission catholique. Au Nord, en tête de cette ligne, s’aplatit une baraque carrée, également en bois, la maison de l’Oubangui. Sa destination, comme son nom l’indique, est d’abriter les passagers qui attendent d’être mis en route pour cette colonie. En arrière, au-dessus d’elle, une sorte de boîte oblongue toujours en bois, mais en ruines, n’a plus d’usage déterminé. Enfin, au sommet du plateau, dominant ce petit troupeau sur lequel il règne, le service local apparaît avec quelques demeures et magasins d’une apparence moins rustique. Rien n’a changé. Tout cela dort sous l’ardent soleil ; tout cela disparaît presque, confondu dans la teinte uniforme du sable qui s’étale coloré, par places, d’une herbe courte privée de terre, brûlée avant d’être née.

Cependant, au bout de la falaise, loin de la maison de l’Oubangui, la civilisation et le progrès se dressent sous la forme d’un cube, moitié fer, moitié brique : le palais de l’administrateur. Ce palais resplendit dans sa nouveauté, son toit de tôles ondulées rayonne, il semble promettre à Loango le réveil, la renaissance, puisque, autrefois, paraît-il, au temps de la conquête portugaise, Loango a eu son importance.