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sur les noirs. Un de ses compagnons de route raconte son retour aux rives de l’Ogooué : « Son arrivée, dit-il, a été quelque chose d’émouvant ; j’avais les yeux humides en constatant l’accueil que lui ont fait les noirs. La nouvelle de sa présence s’était répandue très vite. De toutes parts surgissaient des pirogues surchargées d’indigènes qui accouraient pour le regarder, le saluer, et criaient d’une voix forte : Notre père est revenu ! J’ai peine à comprendre comment un blanc a pu inspirer tant de confiance et d’affection à ces gens défians, ingrats et de tempérament faux. »

Brazza portait ce secret dans son âme ouverte à tous les sentimens de justice et de bonté.

Tout à l’heure, le nom de Stanley est venu se placer près de celui de Brazza. C’est que l’un appelle l’autre par les contrastes que présentent ces deux grandes figures.

Tous deux sont des énergiques, des héros, mais l’un est dur, l’autre est souple ; l’un est impitoyable, l’autre est humain ; à celui-là il faut une armée, à celui-ci quelques hommes suffisent. Stanley confond trop facilement l’autorité avec la cruauté, il passe, il fait une trouée ; ses foudroyantes percées laissent derrière elles une trace de sang ; Brazza gagne le cœur des populations au lieu de les épouvanter, il ne recourt à la force que contraint, pour sauvegarder sa vie et celle des siens, et lorsqu’il doit punir, il le fait sans colère, avec l’indulgence d’un père. Si tous deux méritent la gloire qu’ils ont conquise, celle de Brazza est plus pure. Il y avait en Stanley de l’aventurier, en Brazza de l’apôtre.

Il s’en fallut de peu que l’honneur de découvrir le Congo n’appartînt à Brazza. Le jeune enseigne de vaisseau, qui venait de se faire naturaliser Français, après un séjour au Gabon, en 1872, commença, trois ans plus tard, la série de ses voyages. C’est dans cette exploration à travers les vallées de l’Ogooué et de l’Alima, qu’il toucha presque le Congo, arrêté par les indigènes à quatre jours du grand fleuve, au moment même où Stanley le descendait. Il allait bientôt prendre sa revanche.

Stanley, dès son retour, avait fait part de sa découverte à l’Association africaine, formée par le roi des Belges. Chargé par elle d’occuper les régions qu’il avait traversées, il était reparti pour l’Afrique en février 1879. Il s’était engagé dans la direction de Zanzibar, afin de dissimuler le véritable but de sa