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« Quel était donc l’idéal des hommes du XXe siècle à son début ? Il est certain que la pauvreté, la chasteté et l’obéissance y tenaient une grande place, car il y eut, à cette époque, un vif renouveau de ferveur franciscaine. La littérature biographique, critique et légendaire sur saint François d’Assise était abondante dans tous les pays et dans toutes les confessions. Les artistes parisiens prirent, en foule, le chemin de l’Ombrie et il ne se passa guère de Salon où l’on ne vit quelque œuvre de longue haleine inspirée du poverello d’Assise. C’est ainsi que l’Art, au XXe siècle, se mettait au service des hautes idées morales. Nous sommes loin de ces époques où un Burnand, un Maurice Denis consacraient des années à s’imprégner de la pensée franciscaine pour édifier leurs contemporains… »

Voilà qui se soutiendra fort bien dans les Sorbonnes à venir. Les documens ne manqueront point, authentiques, et pourvu qu’on les présente seuls, comme on fait d’ordinaire, ils paraîtront décisifs. Il y a toute une salle, en effet, avenue d’Antin, la salle VIII bis, dans le pourtour de la coupole, consacrée à saint François d’Assise, où M. Burnand, en trente-trois dessins rehaussés de couleurs, interprète les Fioretti. De son côté, M. Maurice Denis a rempli les vitrines de la salle X, avec les illustrations de la vie de saint François, gravures en couleurs. M. Bernard Harrison nous montre un Automne à Assise d’une atmosphère fine et lumineuse, comme une prière du saint lui-même, et l’on se souvient des grandes toiles où, ces dernières années, M. Lucien Simon et tant d’autres ont célébré la ville où il semble que Jésus soit revenu vivre. Aux Champs-Elysées, enfin, salle 2, M. Bouchor nous mène dans la Plaine d’Assise et sur la Place Saint-Rufin. Les peintres adoptent Assise comme, en d’autres temps, ils adoptèrent Barbizon, Pont-Aven ou la Grenouillère. M. Raffaëlli n’est pas encore à Assise, mais, déjà, le voici arrivé à Venise, — bien loin des fortifs et des « biffins » qui réjouirent sa jeunesse, et nul ne peut répondre qu’il n’ira pas, lui aussi, à la Portioncule, retremper, aux sources de sainteté, son Art qui fut toujours, à sa manière, un art profond et fervent. Les temps sont bien passés, que rappelle M. Georges Lafenestre au début de son livre sur Saint François d’Assise, inspirateur de l’Art italien, où le président de Brosses écrivait : « Près de Spoleto est la ville d’Assise, mais je me gardai bien d’y aller, craignant les stigmates comme tous les