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buste en bois du Docteur Roux, par M. Bloch. Multa renascentur

Il semble que, parmi ces choses qui renaissent d’un long oubli, il faille aussi compter la sculpture des jardins. Chaque année, nous voyons paraître de nouveaux projets de fontaines, des termes ou des statues destinées à présider aux essors des plantes. Cette année, on voit, aux Champs-Elysées, la grande Fontaine des dames d’Antan, de M. Alaphilippe, la spirituelle Vasque polaire, ours blancs et pingouins, de M. Perrault- Harry, les Enfans à la Fontaine, pierre et bronze, de M. Bertrand-Bontée, le Premier miroir, fontaine de M. Delpech, la Nymphe surprise, avec accompagnement de tortues, de grenouilles et de dauphins, par M. Boisseau, la Fontaine à l’enfant, de Mlle Janet Scudder, celle encore de M. Sartorio, et, dans le même objet de décoration, la Statue de pierre pour un parc, de M. Fernand David, et l’Enfant courant après son ombre, de M. Pavot, spirituelle et fine idée, qui ne se peut bien comprendre qu’exprimée en plein air, en plein soleil. Voilà une tendance d’art à encourager. Il faut souhaiter que les amateurs de jardins deviennent des amateurs de sculpture. Nos artistes ont trop travaillé pour la ville. Les places publiques regorgent de grands hommes. Il est temps de réagir. La décentralisation la plus pressante est la décentralisation des statues. Non que je souhaite voir ces mêmes grands hommes sous les charmilles, au carrefour des plates-bandes, reflétés par les miroirs d’eau. Ce sont d’autres gestes et d’autres Dieux qu’on doit rencontrer au détour d’une allée. « Il faut de l’enfance répandue partout, » disait Louis XIV. Les progrès qu’on a faits dans l’âme mystérieuse des bêtes, permettent, aujourd’hui, d’ajouter aux enfans nombre d’animaux divertissans et gracieux. Et les Dieux d’autrefois peuvent aussi revenir. Comment l’avenir jugera-t-il notre époque ? Nous ne le savons guère, mais ce sera un étonnement de voir le séjour et les choses des jardins tant vantés par notre littérature, au XXe siècle, et de ne retrouver aucune trace d’œuvres d’art faites pour les embellir.


ROBERT DE LA SIZERANNE