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se diviseront dans des proportions qu’il est impossible de prévoir et feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Mais ne se porteront-ils pas de préférence et en plus grande quantité du côté où la victoire a paru incliner elle-même et dont le contingent augmente au lieu de diminuer ? Les socialistes unifiés étaient une force : ils deviennent une puissance. Le Cabinet actuel, ou tout autre Cabinet composé de la même manière devra compter avec eux pour pouvoir compter sur eux.

Ces résultats des élections, qu’il est permis de trouver un peu vagues, ne pouvaient guère être différens, étant donné le scrutin d’arrondissement. Tout s’est passé avec une extrême confusion. Du côté des radicaux et même quelquefois des socialistes, les programmes officiels du parti n’ont joué qu’un rôle secondaire, chacun ayant pris celui qui paraissait le mieux agréer aux électeurs, sans se préoccuper du mot d’ordre de Pau et avec un éclectisme déterminé par le seul intérêt des personnes : primo vivere, deinde philosophari. Quelle plus éclatante condamnation du scrutin d’arrondissement ! Il semble que, par un reste de pudeur, ceux mêmes qui l’ont pratiqué avec ce tranquille cynisme aient tenu à le désavouer. De toutes les réformes dont il a été question, le scrutin de liste avec représentation proportionnelle est de beaucoup celle qui a été l’objet du plus grand nombre de promesses et a réuni le plus grand nombre de voix : le service de trois ans et l’impôt sur le revenu sans déclaration contrôlée ont eu la majorité aussi, mais une majorité moindre. La volonté que le pays a exprimée avec le plus de force a été de ne plus revoir le scrutin d’arrondissement. Elle s’est manifestée dès le premier tour de scrutin : les scandales du second tour n’ont pu que là fortifier.

Ce second tour n’a différé du premier qu’en un point, à savoir que les radicaux et les socialistes également unifiés, qui, le 26 avril, s’étaient présentés séparément, ont opéré leur concentration le 10 mai et se sont désistés les uns en faveur des autres, celui qui avait eu le moins de voix les reportant sur celui qui en avait eu le plus. L’opération s’est faite sur toute la ligne avec un ensemble parfait. Les radicaux ont donné un exemple de renoncement qu’on aurait pu louer s’il avait eu pour objet une meilleure cause. Les socialistes ont fait de même, mais ils ont été moins nombreux à le faire et ils ont été, comme on l’a vu, les bénéficiaires de cette tactique. La conséquence se devine : socialistes et radicaux, reviendront à la Chambre unis en une masse compacte, qui sera vraisemblablement le pivot de la majorité. Les socialistes unifiés, du haut de ce qu’on appelait autrefois la Mon-