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y aurait-il, chez elle comme chez nous, affluence de candidats à la porte de sa Légion ?

Nous avons dit que le discours, sincère et loyal, de M. Zimmermann avait été prononcé le 29 avril : le lendemain, 30, un fait scandaleux se passait en plein Berlin, au Palais de Glace, où on donnait une fête de charité au profit de la Ligue contre la Légion étrangère : il y a en effet en Allemagne une ligue qui s’est donné pour but de combattre cette légion. Des représentans des ministres de la Guerre et de la Marine assistaient officiellement à la représentation ; de nombreux officiers et fonctionnaires s’y pressaient. À un moment, on a vu sur la scène un acteur habillé en légionnaire français : en face de lui un peloton de soldats de la Garde en tenue de campagne est venu se ranger sous les ordres d’un sous-officier et, dans une pantomime dite patriotique, le soldat français a roulé sur le théâtre, fusillé par les soldats allemands. Les récits des journaux disent que la salle a manifesté son enthousiasme. Nous a-t-on bien compris ? Le peloton d’exécution était composé de vrais soldats allemands, mis au service de la Ligue, et le sous-officier était aussi un vrai sous-officier. C’est un singulier emploi d’une armée régulière que de la faire servir à une aussi sinistre et indécente mascarade ! Comment un pareil fait peut-il se concilier avec les paroles que M. Zimmermann avait prononcées la veille ? Dieu nous garde de mettre en doute la bonne foi du gouvernement impérial ! Évidemment il ne savait pas ce qui allait se passer ; le programme de la fête ne lui avait pas été soumis, ou bien il l’avait lu d’un œil distrait ; mais l’opposition entre la parole ministérielle et le fait brutal prouve l’exactitude de ce que nous avons dit plus haut sur le désaccord qu’il y a en Allemagne entre les intentions du gouvernement et les passions échauffées de la foule. Et il ne s’agit pas ici d’une foule quelconque, puisque la fête avait un caractère quasi officiel. Les journaux français ont relevé le fait avec toute la gravité qui convenait et, en Allemagne, on n’a pas tardé à en être embarrassé, un peu humilié même, après la surprise du premier moment. M. Sommer, président de la Ligue contre la Légion, a cherché à s’expliquer, à s’excuser dans le Berliner Tageblatt. — Ce n’est pas, a-t-il dit, un soldat français, ni un légionnaire qui a été fusillé, mais un déserteur qui n’avait aucun uniforme défini ; la Ligue contre la Région ne s’est jamais proposé de froisser les sentimens du peuple français ; elle estime toutefois avoir d’autant plus le droit de s’opposer à l’entrée des Allemands dans la Légion étrangère que les incursions des racoleurs français en Allemagne deviennent de plus en plus fré-