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Staël. Elles demeurèrent en relation par correspondance ; les archives de Coppet contiennent un certain nombre de lettres d’elle. Mme de Staël fréquentait également le salon de la princesse Radziwill dont elle parle souvent dans ses lettres. Cette très aimable personne était la sœur du prince Louis-Ferdinand. Elle appartenait par conséquent à la famille royale. Dans son journal, récemment publié[1], elle mentionne en ces termes le passage de Mme de Staël à Berlin : « L’arrivée de Mme de Staël à Berlin attire tout le monde autour d’elle. Elle venait souvent passer ses soirées chez nous. Mon frère Louis, quelques Anglais, la princesse Paul Sapieha, Jean de Muller, rendaient ces réunions très agréables. Je m’attachai beaucoup à Mme de Staël ; mon frère Louis en fut très enthousiaste et elle l’appréciait beaucoup. » Dans le salon de la duchesse de Courlande et dans celui de la princesse Radziwill Mme de Staël dut rencontrer quelques-uns de ces hommes de lettres qu’elle désirait connaître, mais elle en rencontra un plus grand nombre encore chez le chargé d’affaires de Suède, Brinckmann. Mme de Staël avait autrefois connu Brinckmann quand il était attaché à l’ambassade de Suède à Paris. Elle lui avait adressé, quelques années auparavant, un exemplaire d’un de ses ouvrages, avec cette dédicace de sa main : « À M. Brinckmann, pour qu’il se souvienne de moi quand il oubliera mon ouvrage. » Brinckmann n’avait eu garde d’oublier Mme de Staël. Sans doute il ne fut pas fâché, vis-à-vis de la société de Berlin, de se parer d’une aussi illustre voyageuse. Aussi avait-il pris en bonne part qu’elle n’eût pas consenti à se laisser présenter par lui. Il lui ouvrit son salon et organisa même pour elle une réception où il lui procura l’occasion d’entrer en relation avec une naissante célébrité berlinoise qui, dans le monde juif, commençait à occuper peu à peu la place si longtemps tenue par Henriette Hertz, avec Rahel Levin.

Rahel Levin est une figure souvent étudiée de l’Allemagne littéraire, non pas qu’elle ait jamais écrit elle-même, mais elle a tenu un salon célèbre qui fut un des cénacles du romantisme germanique. C’est sous le nom de Rahel Varnhagen qu’elle est le plus généralement connue. Mais elle ne devait se marier

  1. Quarante-cinq années de ma vie, 1770-1814, p. 191. Ce journal, récemment édité avec beaucoup de soins par la princesse Radziwill, née Castellane, contient les plus intéressans renseignemens sur la cour de Prusse. Les archives de Coppet contiennent quelques agréables lettres de la princesse Radziwill.