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rapports entre poules et boas ; les révoltes des noirs sont rentrées dans le domaine de la fiction ! A Manji, d’ailleurs, son carnet s’est enrichi d’un nouvel élément de scepticisme : Fondère lui a révélé que, de toute l’Afrique, le Congo est le seul pays où les noirs ne fabriquent pas de savon !


Nous suivons les baleinières à pied ; la forêt nous enserre toujours et pèse encore sur nous, mais la montagne se fait moins sauvage ; les berges sont praticables ; il m’est possible d’accompagner les Loangos, de les surveiller, de les exhorter ; si tant est que mes exhortations puissent avoir un effet.

Il est certain que ces malheureux font un dur métier. Le courant a une violence terrible ; les rochers se montrent partout, ils apparaissent à fleur d’eau comme des têtes de géans engloutis. Du matin au soir, il faut haler. Dans chaque équipe, pendant que les uns maintiennent le boat en place au milieu des tourbillons, les pieds agrippés aux écueils, les mains au bordage, les autres portent le câble un peu plus loin, luttant contre l’eau, escaladant les entassemens de rocs ; puis les premiers rejoignent ceux-ci, et tous à la fois recommencent à tirer ; un seul homme reste dans le bateau, muni d’une perche, afin d’éviter ou d’amortir les chocs ; c’est lui qui a la fonction la plus délicate, la plus dangereuse aussi, car s’il n’agit pas exactement dans le sens voulu, avec la force voulue, il peut mettre la baleinière en travers du courant et la faire chavirer. Il est exposé encore à un autre danger : si le câble se rompt, l’embarcation court grand risque, emportée par le courant, de s’éventrer sur les récifs. Les Bassas et les Cap-Lopez ont une sûreté merveilleuse d’œil et de main ; je tremble toujours pour les Loangos.

J’ai bien un moyen de stimuler l’ardeur de ceux-ci ; je possède une dame-jeanne de tafia dans mes bagages ; mais je la réserve pour les plus mauvais passages, car nous avons plusieurs chutes à remonter dans le genre de celle de Koussounda.


Aujourd’hui, 13 juillet, au confluent de la N’Goma, nous sortons de la forêt. Le Niari est encore encaissé entre les