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Le jour se lève, une petite vapeur flotte sur le Niari, elle se confond au-dessus de la chute avec la brume projetée par l’écume ; les collines en face de nous se détachent en sombre sur le ciel éclairci, rosi par les premières lueurs ; nous repartons.

La marche du convoi est de plus en plus pénible, car le courant est de plus en plus fort et les rochers sont de plus en plus nombreux.

Aux rapides de l’Aloubonou, nous sommes obligés de nouveau de décharger les embarcations. Si encore les rives se prêtaient à cette opération ! Mais les rapides se produisent généralement à un étranglement de la rivière, les berges sont supprimées et le transbordement des colis doit se faire dans l’eau, au milieu des brisans. Les hommes peinent affreusement, s’enlèvent des morceaux de chair ; ils me font pitié.

Lorsque les sept boats ont passé, il n’est que quatre heures et demie ; je donne cependant l’ordre de camper. Que de panse-mens en perspective !

Pour effacer la mauvaise impression de cette journée épuisante, j’accorde à chaque équipe une prime de dix francs et j’annonce une distribution de tafia. Toutefois, comme je crains d’avoir d’autres journées semblables, et que ma dame-jeanne serait vite tarie, je commence à baptiser mon alcool. C’est une mesure prudente et hygiénique.


A peine avons-nous démarré que nous nous trouvons en face d’un autre rapide. L’Aloubonou se compose de deux marches ; hier nous n’avons franchi que la première. Le déchargement des boats et le transbordement recommencent. Pour stimuler l’ardeur et ménager mon talia, une fois le rapide remonté, j’envoie dire au chef du village voisin d’apporter des vivres et j’achète du manioc, des poulets, pour la somme folle de 19 cortades.

Réparer les forces dépensées n’est que justice. Malheureusement, je commets une imprudence ! Je distribue ces vivres pour que la récompense suive immédiatement l’effort. Les meilleures intentions n’ont pas toujours des résultats adéquats. J’ai compté