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leur pays. Fortifier l’armée et le crédit public ; éviter toute innovation fiscale ayant un caractère inquisitorial et arbitraire ; gouverner dans l’intérêt général, en assurant à chaque citoyen la liberté et la justice ; réaliser une réforme électorale ayant pour objet de substituer la lutte des principes à la concurrence des personnes et d’accorder aux minorités une part légitime de représentation, n’était-ce pas un programme qui s’imposait aux réflexions du suffrage universel ? Au reste, les incidens de la dernière session de la Chambre avaient démontré la nécessité de changer nos mœurs politiques. Le drame du Figaro avait été suivi de révélations précises ; une note écrite en 1911 par le procureur général avait été lue à la tribune par M. Barthou : elle affirmait que les poursuites intentées contre Rochette avaient été ajournées sur l’ordre de M. Monis, alors président du Conseil, qui avait agi sous l’impulsion du ministre des Finances, M. Caillaux. Nous n’insisterons pas sur ces scandales récens dont le résultat a été d’affaiblir le Cabinet Doumergue et de l’obliger à remanier en toute hâte son ministère pour remplacer deux de ses collègues démissionnaires. Si nous les rappelons, c’est parce qu’ils ont à coup sûr profondément ému l’opinion et qu’ils ont paru de nature, à la veille des élections, à favoriser le succès des candidats opposés à la politique radicale.


Après la séparation des Chambres, la Fédération des Gauches a continué sa campagne avec plus de vigueur que jamais : les autres associations politiques se sont bornées à faire des déclarations générales ; le parti socialiste et le parti radical eux-mêmes n’ont rien dit ou peu s’en faut, et il a fallu que M. Clemenceau donnât à M. Doumergue l’ordre de prendre la parole pour que celui-ci s’y décidât. Mais le discours de Souillac a été d’une imprécision remarquable : le président du Conseil a surtout cherché à ne pas trop s’engager et à ne pas compromettre ses amis qui soutenaient, dans les collèges électoraux, des programmes équivoques. Les candidats radicaux s’étaient bien gardés, en effet, pour la plupart, de défendre les idées si bruyamment exprimées à Pau : ils affichaient des professions de foi édulcorées et parfois même très sages. Beaucoup se sont nettement ralliés au programme de la Fédération des Gauches, afin d’obtenir le plus grand nombre de suffrages possible.