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ouvertement. Dans tous les collèges où le candidat-radical était distancé par le candidat socialiste, le premier s’est immédiatement désisté en faveur du second : quelques résistances se sont à peine manifestées. Mais lorsqu’un socialiste a obtenu moins de voix que son concurrent radical, il ne lui a pas toujours cédé la place ; si le socialiste croyait avoir des chances de triompher, grâce à l’appoint des voix de l’opposition, il continuait à lutter contre le radical. C’est ainsi que les candidats socialistes se sont maintenus, notamment à Muret, à La Tour-du-Pin, à Saint-Claude, à Lyon (3e circonscription), à Chalon-sur-Saône, à Versailles, à Saint-Yrieix et à Sens, contre des concurrens radicaux plus favorisés, et partout, sauf à Lyon où M. Augagneur a pu obtenir une faible majorité de deux cents voix, ils ont réussi à enlever le siège aux candidats radicaux. Le marché n’a donc pas été désavantageux pour le parti socialiste : quand il se trouvait en ballottage avec un républicain démocratique ou progressiste, il bénéficiait des suffrages radicaux, ce qui ne l’empêchait pas de solliciter les suffrages de l’opposition quand il était, dans d’autres collèges, en ballottage avec un radical.

Au second tour de scrutin, les programmes ne comptent plus. Tel candidat radical, partisan de la nouvelle loi militaire et qui obtient quelques suffrages de moins que le candidat socialiste, se désistera cependant en faveur de ce dernier, sous le prétexte étrange qu’il y a un troisième concurrent en ligne, même si celui-ci est d’accord avec le radical sur la question de la défense nationale. Le fait s’est produit dans bien des collèges, où il a provoqué les résultats les plus choquans. A Nevers, par exemple, M. Massé, ancien ministre du Cabinet Barthou, était candidat radical ; il avait pour concurrens un progressiste qui partageait ses idées sur la nécessité de maintenir la durée du service militaire, et un socialiste qui y était opposé. Au premier tour, M. Massé obtient 5 500 voix et le progressiste 6 900, soit un total de 12 400 ; il se désiste en faveur du socialiste qui a réuni 5 900 suffrages et qui est élu au scrutin de ballottage, En conséquence, les partisans de la loi militaire, qui se composent des deux tiers des électeurs, se trouvent représentés par un adversaire de cette même loi.

Ce qu’il y a de non moins grave, c’est que les concentrations s’opèrent depuis quarante ans, toujours dans le même sens ;