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députés socialistes, républicains socialistes et radicaux à peu près orthodoxes, on arrive à un chiffre de 250 à 260. De l’autre côté de la Chambre vont se trouver 16 députés indépendans, 26 membres de la Droite, 34 de l’Action libérale, 54 progressistes, 100 républicains démocratiques qui ont été patronnés par le comité de M. Adolphe Carnot, soit au total 230 députés. Entre ces deux fractions opposées, il reste donc 120 députés environ dont la plupart se rattachent à la Fédération des Gauches et ont soutenu son programme. Nous ne donnons ces chiffres, d’ailleurs approximatifs, qu’à titre d’indication. Mais ils suffisent pour démontrer qu’aucune majorité unie et disciplinée ne saurait exister dans la nouvelle Chambre. Il en existera plusieurs, assez diverses, et qui pourront permettre à des ministères de tendances différentes de vivre pendant un délai plus ou moins long.

Serait-il possible, tout d’abord, de reconstituer le « bloc » radical et socialiste qui a été formé sous le ministère Combes et dont M. Jaurès était alors le chef le plus influent ? Aux 260 députés de l’extrême-gauche dont nous avons parlé, on peut sans doute en ajouter sur le papier une soixantaine dont les opinions sont assez flottantes pour qu’ils puissent successivement se rallier à toutes. Cette opération, en apparence assez simple, se heurte cependant à bien des difficultés. Quel serait le chef de cette majorité disparate ? Quel serait le président du Conseil d’un Cabinet qui s’appuyerait exclusivement sur le parti radical et sur le parti socialiste ? D’autre part, quelles seraient les conditions imposées par le parti socialiste au ministère qui solliciterait son concours ? Et ces conditions, qui seraient certainement impérieuses, pourraient-elles être acceptées par tous les députés radicaux ? Ceux qui proposent de revenir à la politique de M. Combes oublient que, depuis dix ans, d’autres problèmes ont surgi ; qu’il ne s’agit plus détraquer des congrégations religieuses déjà dispersées, mais d’équilibrer le budget, de trouver des ressources pour combler le déficit. Sur ce point, les radicaux et les socialistes sont-ils absolument d’accord ? Évidemment non. Et ils ne le sont pas davantage sur la question de la durée du service militaire, encore moins sur la réforme électorale. Si donc une majorité composée de l’extrême-gauche venait à se constituer, elle serait condamnée à ne subsister que par l’équivoque, ce qui n’est pas une garantie de solidité.