Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/651

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la vie et des mœurs. Même un jeune homme d’une grande pureté, qui n’a jamais commis un péché mortel, qui est attentif et diligent, comme l’est ce Jean dont Roger Bacon fait un si grand éloge à Clément IV, ne saurait s’instruire s’il ne reçoit l’enseignement écrit par un manuel et l’enseignement oral par un maître.

D’une façon générale, Roger Bacon estime infiniment tous les exercices du Studium ou de l’école, la conférence ou la lecture, faite ou entendue, la discussion que l’on dirige ou à laquelle on prend part. Ceux qu’il attaque, Alexandre de Halès, Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin et les membres des deux ordres mendians ignorent les sciences vulgarisées, et à plus forte raison les sciences nouvelles, parce qu’ils n’ont pas assisté comme étudians aux conférences et aux discussions sur les matières qu’elles comportent, parce qu’ils n’ont été préparés ni à faire des conférences, ni à diriger des discussions de ce genre. Roger Bacon, lui, en Angleterre et en France, a suivi des conférences et assisté à des discussions ; il a lui-même enseigné à Oxford et à Paris, il a dirigé des réunions d’étudians où l’on discutait et où l’on comparait les textes, comme en témoignent de nombreux passages, épars dans ses œuvres, et les divers commentaires qui restent encore manuscrits.

Et il semble bien qu’il utilise pleinement, après l’avoir acquise tout entière, dans sa forme et sa matière nouvelles, la méthode telle qu’elle est constituée au XIIIe siècle. Elle oblige à examiner tous les aspects d’une question ; c’est le syllogisme, avec ses combinaisons diverses et ses liaisons nécessaires d’argumens ; c’est le raisonnement parfait pour la forme, sinon pour la matière, dont la valeur doit être établie d’une autre façon.

Le progrès est plus considérable encore, si l’on considère les connaissances dont dispose le XIIIe siècle. L’Occident chrétien avait vécu à peu près jusqu’alors, — en dehors de la théologie, au sens large du mot, — sur le trivium et le quadrivium. La grammaire latine était sommairement étudiée ; la rhétorique n’était guère plus approfondie, comme le montre, au XIe siècle, le curieux Didascalion de Conrad de Hirschau ; la dialectique s’apprenait dans les sept ouvrages qu’on possédait déjà au Xe siècle, les Catégories et l’Interprétation d’Aristote, l’lsagoge de Porphyre, les Divisions et les Topiques, les Syllogismes catégoriques et hypothétiques de Boèce. Pour le quadrivium,