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eussent voulu se dispenser de travailler pendant leur âge mûr au développement de leur intelligence, mais parce qu’ils auraient eu des chances de savoir plus et mieux, d’aller plus avant dans la découverte de la vérité. Ainsi Roger Bacon déclarera à la fin de sa vie que toute la sagesse brille dans le Studium ou l’École, en même temps qu’il trouvera mauvais ou insuffisans tous les maîtres. C’est qu’en réalité il voudrait l’y mettre, épargner à ses successeurs la peine qu’il s’est donnée, et rendre leur travail plus facile et plus profitable.

Mais ce qu’il est devenu, il le doit surtout à lui-même et aux recherches qu’il a su mener à bonne fin. Il a travaillé toute sa vie. Depuis quarante ans, écrit-il en 12G7, que j’ai appris l’alphabet, j’ai toujours été plein de zèle pour l’étude, et j’ai toujours été dans un Studium, sauf pendant deux années où je me suis reposé afin de mieux travailler. En fait, il semble bien n’avoir jamais abandonné le travail personnel. Et pour lui la tâche de celui qui veut ainsi s’instruire est considérable. D’abord il doit se mettre en relations avec tous ceux qui peuvent contribuer à sa formation : Roger Bacon n’y a pas manqué. Puis il faut la lecture et l’intelligence des textes où est exposée la sagesse.

Donc il faut posséder tous ces textes qui supposent une révélation divine, faite à des époques déterminées, sous une forme complète ou incomplète. Il est nécessaire par conséquent de les chercher jusqu’à ce qu’on les ait rencontrés, en tous les pays et chez tous les hommes où l’on a quelque chance de les trouver. Pour réussir complètement dans cette recherche, il faudrait beaucoup d’argent, il faudrait en outre l’aide des seigneurs, des rois et surtout du Souverain Pontife, qu’il demande et qu’il ne semble pas avoir obtenue. L’argent lui a souvent fait défaut et il constate, avec un retour sur lui-même, qui n’est pas sans amertume, que maître Albert, à qui l’argent n’a pas manqué, a pu réunir beaucoup de textes utiles dans la mer infinie des auteurs.

En second lieu, il faut connaître les langues dans lesquelles ces ouvrages ont été composés, ce qui suppose la connaissance de l’alphabet, celle du vocabulaire, celle de la grammaire ; il faut savoir les traduire, les parler, les écrire, comme sa langue maternelle, si l’on veut en tirer toute l’utilité qu’en comporte l’étude. Il faut donc entrer en relations avec ceux qui les parlent