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toujours, nous l’avons dite, quelque émotion qu’elle pût produire. (Très bien ! ) — Des nouvelles sont venues depuis ; j’en ai reçu du maréchal Bazaine, et ces nouvelles sont bonnes. Je ne puis pas vous les faire connaître, vous comprendrez pourquoi. (Oui ! oui ! Très bien ! )

Voix à gauche. — De quelle date sont-elles ?

Le ministre de la Guerre. — Du 19.

Le comte de Kératry. — Du maréchal Bazaine lui-même ?

Le ministre de la Guerre. — Du maréchal lui-même. Elles montrent chez le maréchal une confiance que je partage, connaissant sa valeur et son énergie. J’ajouterai que l’organisation de la défense de Paris marche avec activité, et que sous peu nous pourrons recevoir quiconque se présentera devant nos murs. (Vive approbation.)

L’Opposition, qui lisait les dépêches prussiennes et les journaux anglais, savait néanmoins à quoi s’en tenir. Elle crut qu’elle pouvait sans imprudence s’avancer encore dans la voie révolutionnaire. Mais elle ne voulait rien précipiter. Trop visiblement la résistance du gouvernement était en sens inverse de l’attaque : à mesure que celle-ci s’enhardissait, celle-là fléchissait L’attaque devait donc être sûre et mesurée, elle devait attendre l’événement et ne pas risquer de se compromettre en laissant aux violens la tâche de jeter par terre ce qui allait tomber de soi-même. Les révolutionnaires à courte vue, les émigrés surtout, car à ce moment il n’y avait plus d’exilés, étaient fort mécontens de cette politique dilatoire. « Attendons-nous, écrivait Quinet, à toutes les infamies. Je me disposais à partir pour Paris, mais on n’a pas osé réclamer la déchéance. On n’aura, m’écrit-on, ce courage que lorsque tout sera perdu. Ce n’est pas assez de désastres. La gauche et M. Thiers veulent que l’on perde encore une grande bataille. Alors, et alors seulement, ils penseront au remède. »


V

L’événement a prouvé que c’était la Gauche qui calculait le mieux. Si elle avait obéi aux impatiens, le Corps législatif eût été renvoyé, et la plupart de ses membres mis sous les verrous. Voyez au contraire où la ruse et la patience les avaient conduits : la guerre désavouée par ceux qui l’avaient exigée et votée ; le