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seul ministère qui pût diriger les événemens renversé ; l’Empereur suspendu comme chef militaire et comme chef politique ; les affaires aux mains de ministres faibles ou inexpérimentés ; le cri du sauve-qui-peut poussé dans la Chambre et au dehors ; Thiers, Gambetta, Jules Favre devenus les oracles et les directeurs d’une majorité affolée ; les révolutionnaires distribuant des armes à leurs adeptes et guettant la prochaine défaite pour se ruer sur ce qui restait encore debout des institutions ; Trochu érigeant sa puissance en face de celle de la Régence.

Le renversement de l’Empire n’était pas un fait subit et unique : il avait été successif. On avait commencé par renverser le ministère qui avait décidé la guerre, puis on avait suspendu l’Empereur, qui l’avait conduite, de son pouvoir militaire et de son pouvoir gouvernemental. Et par qui avaient été opérées ces démolitions successives ? Par la Gauche, par les ennemis ? Sans doute ils y avaient travaillé. Pourtant, seuls, ils eussent été impuissans à les produire. Elles étaient surtout l’œuvre des candidats officiels, des fidèles de la Régence. Les députés de la Gauche avaient donc mille fois raison d’être patiens. Les faits, sans souci des palinodies humaines, se déroulaient avec une logique féroce, et les mêmes mains qui avaient immolé l’Empereur, allaient immoler l’Empire.

Comme, à partir du 9 août, la Régente avait supplanté l’Empereur, depuis l’installation de Trochu au Louvre, le gouverneur de Paris avait pris insensiblement dans l’attente publique la place de la Régente. Le changement se marquait d’heure en heure, surtout autour des débats législatifs. Tant que Trochu n’avait point été là, on avait ménagé Palikao qu’on redoutait ; on l’avait un peu brusqué lorsqu’on vit avec quelle facilité il avait mordu à l’hameçon des louanges captieuses ; on le dédaigna et on le brava lorsque son successeur fut installé au Louvre. On ne s’était attaqué jusque-là qu’à la personne de l’Empereur ; de plus en plus les coups s’adressèrent à l’Empire et à ses institutions. Gambetta, Jules Favre, Kératry, d’une loquacité chaque jour plus agressive, usaient chaque jour avec plus d’impudence des facilités inconstitutionnelles que le ministère leur avait concédées. Toutes les séances étaient consacrées à des demandes indiscrètes de renseignemens, à des débats oiseux ou compromettans, à des propositions précipitées que la peur inspirait et qui la répandaient. On faisait planer les