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peu nombreux, le climat fait de terribles ravages dans leurs rangs, et ils ne réussissent pas à former des missionnaires indigènes. La religion catholique nécessite du prêtre un sacrifice trop incompatible avec la nature des noirs. Ceux qui, sincères dans leur vocation, entament leurs études théologiques, reculent devant le célibat. Ils sacrifient la polygamie, à laquelle bien des convertis ne parviennent pas à renoncer, ils ne peuvent aller plus loin.

Les Pères savent toutes ces difficultés, mais ils ne se découragent pas. Ils obtiennent toujours un résultat, puisqu’on jetant un germe de civilisation dans le pays, ils le garantissent par cela même de l’invasion de l’Islam. Car le fait est reconnu, l’Islam n’agit que là où il apporte le premier élément de civilisation. Pour le catholicisme, c’est déjà une victoire.

Il est des coloniaux qui regrettent cette victoire, ce sont les « Islamophiles ; » il en est d’autres qui, n’étant partisans ni de l’islamisme, ni du christianisme, voudraient laisser aux indigènes leurs différentes religions. La question revient à savoir si nous avons intérêt à trouver en face de nous des chrétiens, des musulmans ou des fétichistes, ainsi qu’il est convenu à tort d’appeler ces derniers, car ils croient tous à un Dieu.

On a écrit des volumes pour et contre l’islamisme.

Je dois dire d’abord que c’est une erreur de s’imaginer que l’Islam a envahi l’Afrique. Il y a de vrais musulmans, mais en nombre relativement restreint ; évidemment, si on les favorisait, ils finiraient par se diffuser, et, à mon avis, ce ne serait pas à notre avantage.

Je pense que si l’islamisme fait faire un premier pas dans la civilisation, il est incapable d’en susciter un autre dans le progrès. Pour ne pas conserver de doute à cet égard, il suffit d’avoir connu des officiers musulmans, servant au titre français. Après avoir vécu trente ans et plus de la vie européenne, alors que nous les supposions définitivement acquis à notre civilisation, le jour même où l’heure de la retraite a sonné pour eux, ils ont repris le costume arabe et sont retournés à la vie de leurs pères. Les musulmans restent musulmans, au point où ils en sont ; ils ne se convertissent ni à une autre religion, ni à une autre civilisation. Il s’ensuit que jamais nous ne pourrons avoir une entière confiance en eux.

Heureusement pour nous, comme je le disais tout à l’heure,