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Rien ne bouge. J’avance le corps dans l’intérieur. Sori-Bondjo est à ma gauche, son camarade à ma droite, leurs épaules touchent les miennes.

— Lui, y a foutu le camp, murmure Sori-Bondjo.

Au même instant, un éclair jaillit, un vent de feu passe sur ma figure, les deux tirailleurs tombent à mes côtés.

Au hasard, je décharge mon revolver dans le trou, pendant que Jacquot enlève les blessés ; deux autres tirailleurs ont bondi près de moi, ils veulent entrer. Je les arrête ; la lueur de mes coups de revolver m’a permis de reconnaître que nous n’avons devant nous qu’une première chambre, assez petite, où il n’y a personne, et qui communique avec d’autres chambres souterraines par un étroit couloir d’où Mabiala a tiré. Le guide m’a dit que Mabiala est seul ; mais un homme seul simplement armé d’un couteau tuerait les uns après les autres ceux qui essaieraient de se glisser dans ce couloir.

Je n’ai pu m’emparer du grand féticheur pendant son sommeil ; maintenant, c’est un siège à faire. Se voyant cerné, il se rendra peut-être.

Je recommande aux hommes disposés en sentinelles de ne pas se montrer, de ne pas faire le moindre bruit ; Mabiala ne sait ni qui l’attaque, ni combien nous sommes ; il nous croira peut-être partis et essaiera de fuir. Qu’on le laisse sortir, et qu’on se jette sur lui.

Les blessés ont été portés au-dessus de la grotte, à l’abri ; ce sont des tirailleurs, je n’ai pas besoin de leur demander le silence, ils ne pousseront pas un gémissement.

Le jour paraît, il pénètre dans le ravin ; l’entrée de la caverne se dessine au milieu des hautes herbes comme une tache d’ombre. Mabiala n’a pas donné signe de vie, n’a pas tenté de s’échapper… aurait-il été atteint par mes coups de revolver ?

Je fais le tour des sentinelles masquées par les arbres, le cercle d’investissement est complet. Je reviens vers les blessés, je passe à environ vingt mètres de la grotte ; un coup de feu en jaillit, le tirailleur qui marche derrière moi tombe.

Maintenant, je distingue au fond de la première chambre le trou noir du tunnel qui conduit dans le fond de la caverne ; c’est de là que Mabiala tire, sans qu’on puisse l’apercevoir ; en avant, sont alignés des fétiches en bois. Si nous ne nous emparons pas de cet homme, pour tout le pays, il devra la vie à ses fétiches I